« Une des premières questions que je pose, quand on me parle d'un patient, c'est : "D'où vient-il ? D'où vient sa famille ?" », dit le médecin. Quelle est l'histoire derrière ces gens ?

Car le DBrais, qui travaille aux Institut et hôpital neurologiques de Montréal, a une pratique et un champ de recherche bien particuliers : il s'intéresse aux maladies génétiques neurologiques d'ici, donc celles qui remontent aux débuts de la colonie.

Et il fait ainsi avancer la science.

En fait, il connaît tellement bien l'histoire de la médecine au Québec qu'il peut vous dire qu'un de ses ancêtres était médecin sous le régime français, l'un des 19 établis en Nouvelle-France. Ledit docteur était aussi notaire.

Aujourd'hui, le DBrais est de la neuvième génération de médecins dans sa famille.

Et cette année, l'équipe de notre personnalité de la semaine a trouvé une piste cruciale : deux traitements possibles pour l'ataxie spastique autosomique récessive de type Charlevoix-Saguenay (ASARCS), une maladie rare dont les victimes sont concentrées dans les régions de Charlevoix et du Saguenay. Quelque 300 personnes en souffrent au Québec, dont 200 dans les régions de Charlevoix et du Saguenay. « Là-bas, on les voit », dit le médecin.

Ce sont des gens dont l'espérance de vie est plus courte que celle de la majorité et qui perdent graduellement leur motricité, leurs réflexes. Leur voix devient chevrotante. Généralement, les symptômes de la maladie deviennent visibles dans la vingtaine ou la trentaine, même si les enfants sont dépistés à un jeune âge. Ce sont ceux qui ont de la difficulté à écrire et dessiner, qui se font souvent mal en tombant, qui ont des problèmes de coordination. « Ce n'est pas un parcours facile », dit le médecin. Mais leurs fonctions cognitives ne sont aucunement touchées. Ceux qui sont atteints par la maladie peuvent travailler dans différents secteurs.

Bernard Brais est lui-même né au Saguenay et a déménagé à Montréal à l'âge de 13 ans, mais personne dans sa famille n'est atteint de la maladie. Il a entamé ses études de médecine à McGill, puis est parti faire une maîtrise en histoire de la médecine au University College de Londres, ainsi qu'à Paris, avant de revenir à Montréal terminer sa résidence et boucler un doctorat. On parle donc de 18 ans d'études universitaires ! « Ma mère commençait à être tannée. »

Des maladies québécoises

Maintenant âgé de 56 ans, il travaille à temps plein aux Institut et hôpital neurologiques de Montréal, qui sont affiliés à l'Université McGill.

Bernard Brais n'est pas celui qui a identifié le gène responsable de l'ASARCS, tient-il à préciser. Mais une bonne partie de la suite de la recherche s'est passée dans ses labos, avec ses équipes et les outils qu'ils ont développés ensemble.

Parce que de telles maladies orphelines ne sont pas étudiées dans beaucoup d'hôpitaux. Mais le médecin historien a toujours tenu à s'investir dans ce champ. 

« Si nous, on ne le fait pas, qui va le faire ? Ce sont nos maladies, au Québec... », dit-il. 

Un événement important a déterminé le cours de tout ce travail. En 2007, le neurologue a été approché par un couple de Montréalais dont les deux jeunes fils étaient atteints de la maladie. Deux parents déterminés à faire bouger la médecine. « Ils sont venus me voir et m'ont demandé : "Pourquoi on ne fait pas de recherche ? Pourquoi ?" » Et la question, dit-il, l'a touché droit au coeur. Il fallait faire quelque chose.

Ensemble, ils ont commencé à organiser des événements de financement et à mettre des chercheurs en contact les uns avec les autres, car la science n'avance pas dans des officines isolées.

Une première activité en 2007 a permis d'aller chercher 30 000 $ pour l'équipe du DBrais. Cette année, on a amassé 1,2 million net. L'événement principal est un dîner présidé par un grand chef étranger. Cette année, c'était Éric Ripert du Bernardin à New York, mais Massimo Bottura, dont le fils est lui aussi atteint d'une maladie génétique rare, ainsi qu'Anne-Sophie Pic et Daniel Boulud ont aussi donné de leur temps pour la cause. L'événement est couru notamment parce que chaque année, le DBrais vient dire aux convives que la recherche avance. Et, cette année, que deux molécules se montraient prometteuses. L'une qui fait déjà partie d'un médicament utilisé pour traiter autre chose, et l'autre qui demande du développement.

Un champ d'expertise qui s'élargit

Au début, cinq chercheurs travaillaient sur le problème. Maintenant, ils sont 31 dans le monde, dont un chercheur de Harvard, explique le DBrais. Parce que les découvertes dépassent l'ASARCS et mettent en place des pistes de solution pour d'autres maladies neurologiques dégénératives, le champ d'expertise s'élargit donc.

« C'est très prometteur », dit le médecin, qui parle d'une « solidarisation » de toute une communauté d'affaires et d'amis et de chercheurs autour de cette cause oubliée.

Et, oui, la recherche avance à grands pas même s'il aimerait que ça aille encore plus vite.

Bernard Brais en quelques choix

UN LIVRE ? 

Les anciens Canadiens, de Philippe Aubert de Gaspé, publié en 1863

UN FILM ?

Master and Commander -  The Far Side of the World, 2003, inspiré de l'oeuvre de Patrick O'Brian

UNE CITATION ?

« Au Saguenay, il y a deux saisons : l'hiver et le mois de juillet ! » (Aliette Jean dit Tremblay)

UN PERSONNAGE HISTORIQUE ?

Le grand neurologue français Jean-Martin Charcot (1825-1893)

UN PERSONNAGE CONTEMPORAIN ? 

Nelson Mandela

SI VOUS DEVIEZ MANIFESTER, CE SERAIT POUR QUELLE CAUSE ET QU'ÉCRIRIEZ-VOUS SUR VOTRE PANCARTE ? 

« Je manifesterais pour la protection de nos rivières, et sur ma pancarte, il serait écrit : "L'eau vive, c'est la vie !" »