On lui doit, entre autres choses, l'isolation chez l'être humain d'une bactérie causant la gastroentérite, alors qu'elle était la seule femme médecin microbiologiste du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine. Vraiment, une femme d'exception. La Dre Lucette Lafleur s'est éteinte subitement à 81 ans le 8 janvier à l'hôpital Royal Victoria de Montréal des suites d'un anévrisme.

Un parcours impressionnant

C'est en 1954 que Lucette Lafleur obtient sa licence d'infirmière au St. Marie's School of Nursing. Elle pratiquera pendant deux ans. «J'ai toujours imaginé qu'elle souhaitait faire plus, se souvient son cousin, le docteur Gilles Pigeon, qui a grandi avec elle. C'était sa vocation d'aider son prochain. Elle a décidé d'aller du côté de la médecine.»

L'ambitieuse jeune infirmière termine ses études de médecine en 1960 et sa spécialisation en microbiologie en 1963. Les femmes étaient rares à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal. «Moins de 10% des étudiants, souligne le Dr Pigeon. En microbiologie, Lucette a été l'une des toutes premières à être acceptées dans le milieu francophone.»

Après un stage de spécialisation en mycologie à l'Institut Pasteur de Paris auprès de l'éminent docteur Léon Le Minor, la Dre Lafleur est rapidement recrutée par l'hôpital Sainte-Justine, où elle avait fait sa résidence.

Dès son embauche en 1964, elle est assistante directrice au service de microbiologie et d'immunologie de Sainte-Justine. Elle gardera son poste jusqu'en 1974, année où elle devient directrice adjointe, puis directrice quelques années plus tard. Lucette Lafleur fait aussi sa marque à l'Université de Montréal, où elle a été enseignante et titulaire de clinique.

«C'était une pionnière, assurément, affirme la Dre Céline Laferrière, qui a succédé à Lucette Lafleur à la tête du service de microbiologie et d'immunologie. À cette époque-là, c'était la seule femme microbiologiste à Sainte-Justine. Elle s'est consacrée à la prévention des infections, une science alors en émergence. On était vraiment au début.»

La grande découverte

On doit à Lucette Lafleur une découverte majeure : en 1967, elle est la première à isoler chez l'être humain la yersinia enterocolitica, l'une des bactéries responsables de la gastroentérite.

«Ça a été une découverte originale de sa part, estime Dre Laferrière. Des découvertes, il y en a déjà peu qui en font dans leur carrière. Mais la sienne, c'est majeur comme impact! Maintenant, on recherche la yersinia dans les selles des gens qui consultent pour des gastroentérites ou des diarrhées.»

Lucette Lafleur a pris sa retraite en 1996, après 35 années passées à Sainte-Justine. Elle a toujours été célibataire. «Sa raison de vivre, c'était évidemment son laboratoire et Sainte-Justine, croit son cousin, le Dr Pigeon, et ensuite les amis et la famille éloignée, comme moi.»

«C'était une femme simple et investie dans son travail, se souvient la Dre Laferrière. Elle avait un attachement très profond au service de microbiologie et d'immunologie de Sainte-Justine.» Un attachement tellement profond qu'à la demande de la Dre Lafleur, ses hommages funéraires ont été remis à ce service.