L'ancienne administration municipale de Terrebonne a ignoré l'avis d'un avocat et a accordé près d'un demi-million de dollars en indemnités de départ au chef de cabinet du maire et au directeur général de la Ville, soupçonnés par l'Unité permanente anticorruption (UPAC) d'avoir tiré profit d'un présumé système de partage des contrats municipaux.

Deux avis juridiques signés par l'avocat Joël Mercier et dont La Presse a obtenu copie soulignent que la Ville de Terrebonne avait des motifs sérieux d'agir. Celle-ci aurait pu mettre fin sans préavis au lien d'emploi avec Daniel Bélec, qui était chef de cabinet du maire, et elle pouvait exiger des explications du directeur général Luc Papillon sur ses agissements allégués.

Les deux hommes faisaient partie de la garde rapprochée de l'ancien maire Jean-Marc Robitaille. Tous trois, ainsi que l'ancien conseiller municipal Michel Morin, sont visés par une enquête de l'UPAC. La police allègue que M. Robitaille et ses acolytes auraient obtenu des pots-de-vin en échange de lucratifs contrats. Jusqu'à présent toutefois, il n'y a eu aucune arrestation ou accusation.

RUPTURE DU LIEN DE CONFIANCE

Dans l'opinion concernant M. Bélec, Me Mercier rappelle que le chef de cabinet était tenu de faire preuve d'éthique dans l'exercice de ses fonctions et qu'il lui était interdit de solliciter, de susciter ou de recevoir pour lui-même des avantages en échange d'une prise de décision. Or, la déclaration sous serment d'un enquêteur de l'UPAC, qui a été produite afin d'obtenir un mandat de perquisition dans le dossier de Terrebonne, « comporte plusieurs informations relativement à des gestes qui auraient été posés par M. Bélec et qui pourraient constituer un manquement à son obligation de loyauté », écrit Me Mercier en novembre 2016.

À la même époque, le maire Robitaille quittait ses fonctions sous la pression de l'enquête de l'UPAC. Le conseiller municipal de son équipe Stéphane Berthe a repris le flambeau jusqu'aux élections de l'automne dernier, au terme desquelles il a mordu la poussière.

C'est sous la brève administration Berthe que Daniel Bélec a obtenu une indemnité de départ de 100 000 $ plutôt que les 150 000 $ prévus à son contrat. À l'heure actuelle, il encaisse également ses prestations du régime de retraite des cadres municipaux.

Pour ce qui est du directeur général Luc Papillon, Me Mercier a signé un avis dans lequel il se réfère également à la déclaration sous serment de l'enquêteur de l'UPAC. Ainsi, Me Mercier prévient la Ville que les avantages dont aurait bénéficié M. Papillon (voyages avec sa conjointe toutes dépenses payées par des entrepreneurs, par exemple) justifient qu'il soit convoqué en présence d'un avocat pour qu'il puisse donner sa version des faits.

Aucune rencontre de cette nature n'a eu lieu, a confirmé hier la Ville de Terrebonne. M. Papillon a rencontré les élus le printemps dernier aux côtés du maire Berthe. Le conseil municipal a alors entériné une entente permettant à Luc Papillon d'empocher 350 000 $ étalés sur deux ans, sous forme d'une indemnité correspondant à 24 mois de salaire. À compter de 2019, M. Papillon bénéficiera de son régime de retraite.

RÉCUPÉRER LES FONDS PUBLICS

Les décisions de l'administration du maire intérimaire Berthe avaient soulevé beaucoup de critiques, sans toutefois parvenir à l'ébranler. La teneur des avis juridiques était alors méconnue.

Invité à réagir hier, le chef de cabinet du nouveau maire Marc-André Plante, Nicolas Dufour, a donné l'assurance que les dossiers de Daniel Bélec et de Luc Papillon seraient revus à la lumière des conclusions de l'enquête de l'UPAC. « Si jamais il devait y avoir des accusations de portées, on entreprendra les démarches nécessaires pour récupérer les sommes versées à M. Bélec et M. Papillon. Il s'agit de l'argent des contribuables, après tout », a souligné M. Dufour.

À son arrivée à l'hôtel de ville, en novembre dernier, l'administration Plante a bloqué le versement de l'allocation de transition de 100 000 $ à l'ancien conseiller municipal Michel Morin visé par l'enquête de l'UPAC (appelée projet Médiator) en s'appuyant sur un avis juridique. M. Morin a présidé la Régie d'aqueduc intermunicipale des Moulins (RAIM). Il aurait bénéficié de voyages payés par un entrepreneur.