La légalisation de la marijuana ne sera pas une «manne» pour le gouvernement fédéral: les revenus qui seront engrangés grâce à ce nouveau marché économique ne seront que «modestes», à tout le moins dans les premières années de son implantation.

Dans un rapport publié mardi, le directeur parlementaire du budget (DPB) fait des projections de recettes fiscales de l'ordre de centaines de millions de dollars, et non pas de milliards de dollars, ce qui est «modeste».

Selon les projections contenues dans ce document, les revenus dégagés grâce à la mise en place de ce nouveau secteur économique de l'économie canadienne devraient varier entre 418 à 618 millions $ en 2018.

«Ce n'est certainement pas la manne. Ce n'est certainement pas un bonanza de finances publiques», a résumé en conférence de presse le DPB, Jean-Denis Fréchette.

«C'est un nouveau marché, c'est un marché qu'on ne connaît pas qui va devenir légal et qui va rentrer en compétition avec un marché (illicite) qui est extrêmement bien structuré», a-t-il ajouté.

Les recettes fiscales pourraient gonfler au fil des ans, au fur et à mesure que les dépenses associées à la mise en place de la structure du marché diminuent et que les coûts de production fléchissent, selon le DPB.

Les projections contenues dans le rapport ont été élaborées en établissant le coût du cannabis légal à 9 $ le gramme, ce qui est comparable au prix médian actuel du cannabis illicite en 2015-2016 (8,84 $ le gramme).

La question de la fixation du prix de la substance sera une pièce importante du casse-tête législatif associé à la livraison de cette promesse libérale.

D'un côté, imposer une taxe trop élevée sur la substance pourrait inciter les consommateurs à se tourner vers le marché noir pour s'approvisionner. Cela empêcherait le gouvernement d'atteindre l'un de ses principaux objectifs: s'attaquer au commerce illégal de la drogue qui profite au crime organisé.

Mais d'un autre côté, imposer une taxe salée sur le cannabis aurait un effet dissuasif chez les jeunes. Et cela permettrait au gouvernement d'atteindre un autre de ses principaux objectifs: empêcher la marijuana de tomber entre les mains des jeunes.

«Pour le gouvernement, il va donc falloir trouver ce juste équilibre entre le prix du marché légal et un prix illégal», a-t-il résumé.

Le secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice, Bill Blair, qui pilote le dossier de la légalisation du cannabis, en est bien conscient.

Il est cependant d'avis que «si on offre l'option aux Canadiens de se procurer ce produit légalement auprès d'un producteur soumis à une réglementation et de le consommer de manière responsable, ils feront le choix responsable».

Le député Blair, un ancien chef de police de la ville de Toronto, a par ailleurs assuré que les libéraux n'avaient jamais considéré que la légalisation de la marijuana serait une vache à lait pour l'État.

«Absolument pas», a-t-il lâché en mêlée de presse. Les objectifs poursuivis, a insisté M. Blair, ont toujours été «de protéger nos enfants, de protéger les communautés en éliminant l'implication du crime organisé et de protéger la santé des Canadiens».

La majorité des revenus qu'engendrera la légalisation du cannabis, soit 60 pour cent, ira aux provinces, et le reste tombera dans les coffres du gouvernement fédéral. Les libéraux ont l'intention d'investir ces sommes en prévention.

Le directeur parlementaire du budget prédit que 4,6 millions de Canadiens consommeront du cannabis lors de sa première année de légalisation. On s'attend à ce qu'avec la légalisation, ce chiffre bondisse à 5,2 millions d'ici 2021.

La grande majorité de la demande de cannabis, soit 98 pour cent, proviendra de 41 pour cent des utilisateurs qui en consomment «au moins une fois par semaine » ou «tous les jours», évalue le DPB.

Le gouvernement libéral prévoit déposer son projet de loi sur la légalisation du cannabis au printemps 2017.

Un groupe de travail dirigé par l'ancienne ministre Anne McLellan doit formuler au préalable certaines recommandations pour le gouvernement. Le rapport est attendu en novembre.