Québec prévoit tirer dès cette année quatre fois plus d'argent des poches des automobilistes délinquants surpris par l'implacable caméra d'un radar photo, avec l'ajout des 36 nouveaux appareils en cours de déploiement dans plusieurs régions de la province.

Les revenus du Fonds de la sécurité routière vont littéralement exploser, passant de 16,7 millions, l'an dernier, à près de 74 millions, cette année, selon les prévisions du budget de dépenses 2016-2017 de ce fonds gouvernemental où, depuis 2009, est versée la totalité des amendes, frais et intérêts provenant des infractions signalées par les radars.

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Au cours de leurs six premières années d'existence, du 19 août 2009 au 31 août 2015, les 15 premiers radars photo implantés dans les régions de Montréal, de la Montérégie et de Chaudière-Appalaches ont généré des amendes totalisant 78 millions, soit une moyenne de 13 millions par année.

Selon les prévisions budgétaires du Fonds de la sécurité routière, ces revenus « vont croître de façon importante en 2016-2017, étant donné l'ajout de 39 nouveaux appareils de contrôle automatisé, entre les mois d'octobre 2015 et de juin 2016, qui s'ajouteront aux 15 appareils déjà en place ».

« Ces projections ont été réalisées sur la base historique du nombre d'infractions qui ont été [relevées] dans le passé par les radars, en tenant compte de chaque type d'appareils et de leur emplacement », affirme Sarah Bensadoun, porte-parole au ministère des Transports, de qui relève la responsabilité des radars photo et du Fonds de la sécurité routière.

« Il y aura quand même 36 nouveaux radars, qui s'ajoutent aux radars existants, et qui couvrent maintenant plus d'une centaine d'emplacements sous surveillance », a ajouté la porte-parole pour expliquer la hausse prévue de 442 % des amendes infligées par les radars à compter de 2016-2017.

RETARDS ET RATÉS

Les choses ne se passent toutefois pas aussi bien que prévu dans le déploiement de ces nouveaux appareils, qui sont au nombre de 36 et non de 39, comme le prévoyait le budget de dépenses. La moitié des appareils devant être mis en service dans le cadre de la phase 2 du déploiement des radars photo, lancée depuis octobre dernier, ne sont toujours pas opérationnels.

Ils ont tous été installés (sauf un), mais ils sont toujours en phase de « paramétrage », selon Mme Bensadoun.

Aucune date n'est aujourd'hui fixée pour le début de leurs opérations.

À Laval, les radars pour feux rouges installés à trois intersections problématiques de la municipalité n'ont été mis en fonction qu'au début 2016 et plusieurs des radars mobiles montés sur des remorques n'ont été livrés que récemment dans les villes qui participent à un projet pilote de « coopération municipale ».

Les recettes des amendes montrent par ailleurs une assez faible tendance à la hausse depuis le lancement de la phase 2 des radars photo, il y a plus de six mois. Au cours de cette période, 18 appareils mobiles ont été progressivement mis en fonction sur les routes et sur de grandes artères municipales à Québec, Gatineau, Longueuil et Laval (voir autres textes).

Malgré cela, les recettes ne sont pas mirobolantes. Au cours des quatre premiers mois de 2016, l'ensemble des radars photo déployés au Québec, dont les appareils de phase 2, a signalé un total d'environ 60 000 infractions au Code de la sécurité routière. Les amendes qui en découlent totalisent 5,4 millions, une moyenne de 1,35 million par mois.

À ce rythme, les revenus provenant des radars photo devraient à peine dépasser les 16 millions, pour l'année en cours, loin des prévisions de 73 867 600 $ présentées dans le budget du Fonds de la sécurité routière.

COÛTS D'ENTRETIEN

Par ailleurs, la mise en service des 36 nouveaux radars fera grimper les coûts annuels d'entretien de ces appareils et le coût de traitement des dizaines de milliers d'infractions qu'ils signalent chaque année. Ces dépenses d'entretien et de traitement de la preuve, entièrement assumées par le Fonds de la sécurité routière à même les revenus des amendes perçues, devaient passer de 15,5 millions à 36,4 millions, une hausse de 235 %.

Selon le budget de dépenses 2016-2017, le Fonds devrait tout de même produire un surplus de 37,5 millions, au cours de l'année budgétaire, qui s'ajoutera au surplus de 30,8 millions accumulé depuis l'installation des premiers radars, en août 2009.

Une partie de ces revenus reviendra aux municipalités participantes au projet-pilote lancé depuis octobre dernier, mais les modalités de ces transferts ne sont pas connues pour le moment.

Toutefois, le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports devrait commencer à redistribuer une partie de ces surplus dès l'été 2016, selon Mme Bensadoun, en finançant différentes initiatives en matière de sécurité routière.

« Un programme d'aide financière pour les victimes de la route est présentement en cours de validation au Ministère, et devra ensuite être envoyé pour approbation au Conseil du trésor, a expliqué la porte-parole. Quand il sera approuvé, un appel de propositions sera lancé pour obtenir des idées de projets visant à améliorer la sécurité routière. »

« Une fois que ce sera approuvé, la mise en place du programme pourrait se faire très rapidement, dès l'été 2016 », a-t-elle affirmé.

Reste à voir si les revenus attendus seront au rendez-vous.