Le projet de loi C-51 du gouvernement conservateur donnerait gain de cause aux extrémistes en entravant davantage les libertés individuelles des Canadiens, a soutenu mardi une avocate autochtone.

Pamela Palmater, directrice de la chaire en gouvernance autochtone à l'université Ryerson, de Toronto, a plaidé que ce projet de loi, «qui fait de chacun de nous un suspect», ne peut même pas être amélioré.

«Les terroristes auront gagné», a exprimé mardi Mme Palmater devant les membres du comité de la sécurité publique des Communes qui doit entendre plus de 50 témoins dans l'étude du projet de loi.

«Et qu'est-ce que le terrorisme? Fondamentalement, c'est la négation de la vie, la liberté et la sécurité d'une personne. Si le Canada va de l'avant et retire ces droits, les terroristes n'ont qu'à observer: mission accomplie», a-t-elle poursuivi.

Le gouvernement conservateur a déposé son projet de loi de 62 pages après l'assassinat de deux militaires canadiens, à Saint-Jean-sur-Richelieu et Ottawa, en octobre dernier. Les meurtriers se sont réclamés d'idées extrémistes pour expliquer leur geste.

En vertu du projet de loi omnibus, le Service canadien du renseignement de sécurité pourrait plus activement déjouer un complot terroriste, et la police pourrait davantage limiter la libre circulation de suspects et réprimer la propagande extrémiste. Les conservateurs veulent aussi faciliter l'échange d'informations entre les différentes agences liées à la sécurité publique.

Les nouveaux pouvoirs du SCRS ou les provisions sur l'échange fluide d'informations ne doivent pas officiellement s'appliquer à des activités «légales» de militantisme, de manifestation ou de dissidence, mais certains observateurs craignent que ces nouveaux pouvoirs soient utilisés contre des militants autochtones ou écologistes dont les activités sortiraient un peu de la stricte légalité.

Mme Palmater a rappelé aux membres du comité, mardi matin, qu'elle était déjà suivie de près par diverses agences fédérales, à titre de militante autochtone.

Le ministre fédéral de la Justice, Peter MacKay, a rejeté catégoriquement la vision des choses de Mme Palmater.

«Ne rien faire est de faire gagner le terrorisme, alors il appartient à tout gouvernement de protéger sa population et de prendre des mesures en ce sens, a dit M. MacKay après la période des questions aux Communes. Nous estimons que cela concorde avec ce que nos alliés ont fait.»

La députée conservatrice Diane Ablonczy a insisté pour dire que «les terroristes djihadistes (avaient) déclaré la guerre au Canada», et que le projet de loi ne visait pas la dissidence légitime. Son collègue albertain LaVar Payne a qualifié de «théories du complot» les inquiétudes soulevées par certains sur l'échange d'informations entre agences gouvernementales.

Mme Palmater a quant à elle soutenu que ce projet de loi ne visait pas vraiment à lutter contre le terrorisme, mais plutôt à maintenir les relations de pouvoirs et la structure économique au Canada. Or, les citoyens ont tellement lutté pour obtenir des traités, une Charte des droits et libertés et des lois internationales qui protègent les droits de la personne qu'ils ne veulent pas perdre tout cela au profit de «certains intérêts économiques», a-t-elle dit.

Le grand chef Stewart Phillip, de l'Union des chefs autochtones de la Colombie-Britannique, a fait écho à Mme Palmater, disant que le projet de loi élargirait de manière dangereuse les pouvoirs des agences de sécurité au Canada sans augmenter la sécurité de quiconque.

M. Phillip, qui a aussi appelé au retrait du projet de loi, a accusé le gouvernement Harper de vouloir surtout avec ces mesures favoriser l'augmentation de la production de pétrole des sables bitumineux de l'Alberta en éteignant la dissidence.

L'ancien fonctionnaire Robert Morrison, qui avait mené un projet de partage d'information au Conseil du Trésor avant de prendre sa retraite, a déclaré que le projet pilote - n'ayant pas abouti - l'avait convaincu que les autorités ne partageaient pas suffisamment de renseignements.

Le projet de loi C-51 soutiendra le partage d'information en respect des droits garantis par la Charte et de la protection de la vie privée, en permettant aux responsables de joindre des morceaux d'information disparates, a-t-il fait valoir aux députés fédéraux.