Deux groupes de catholiques publient une lettre ouverte remettant en question le leadership de Christian Lépine, qui a été nommé en 2012 archevêque de Montréal. Dénonçant son manque de considération pour les avis des prêtres et surtout des laïcs, son accent sur la liturgie et la prière plutôt que sur la dénonciation des problèmes sociaux, le Rassemblement des baptisés du Grand Montréal et le Forum André-Naud font une critique en règle des deux premières années de son épiscopat.

«Il y a des éléments qui font problème, qui ont déjà été mentionnés, on veut faire comprendre que la situation est sérieuse», dit le père Jean-Pierre Langlois, du Rassemblement, qui est vicaire à la paroisse Notre-Dame-de-la-Garde, à Verdun. «Il serait souhaitable qu'il y ait plus de collaboration avec davantage de personnes.» Mgr Lépine n'était pas libre hier pour commenter la lettre.

Des décisions contestées

L'une des premières décisions de Mgr Lépine a été l'abolition des sept postes de vicaire épiscopal, qui faisaient le lien avec les prêtres et les laïcs des cinq régions du diocèse ainsi que des communautés anglophone et immigrantes. «À la place, on a nommé 20 doyens qui rencontrent les prêtres pour fraterniser et prier, dit le père Langlois. Il n'y a plus de canal d'échange, de dialogue et de consultation comme avec les vicaires. De même, il n'y a plus de rencontres du comité pastoral, qui regroupait des laïcs et des prêtres, et au conseil presbytéral, les prêtres ont l'impression de ne pas avoir d'impact sur les décisions de l'archevêque.»

Les processions sont aussi visées par la lettre ouverte. «Je ne suis pas contre la piété populaire, pour les gens du peuple, aller à l'oratoire, ç'a beaucoup de sens, indique le père Langlois. J'ai vécu quelques années au Pérou, ça m'a rendu plus sensible à cette manière de vivre la foi. Mais en mettant trop l'accent là-dessus, on projette l'image d'une Église qui n'a qu'une voie.»

Philippe Vaillancourt, qui édite le site d'information catholique Crayon et goupillon, entend parler de ces critiques depuis plus d'un an. «Au moins, les gens vont arrêter d'en parler derrière le dos de Mgr Lépine, dit M. Vaillancourt. La question du leadership se pose, il va pouvoir dire quel type d'épiscopat il veut. On me rapporte souvent qu'il préfère parler de ses jeûnes plutôt que de ces questions. Il a un côté ascétique. C'est sûr que les porte-parole de ces deux groupes sont des gens de l'âge des baby-boomers et au-delà, mais ils ne sont pas nécessairement minoritaires.»

Et l'abolition des vicaires épiscopaux? «Ce que je comprends, c'est qu'il voulait enlever un palier décisionnel pour que les choses lui parviennent plus rapidement», affirme M. Vaillancourt.

Charles Langlois, ancien recteur du Grand Séminaire, est moins indulgent. «Ce sont des gens qui ne représentent qu'eux-mêmes, dit-il. Le Forum André-Naud ne fait rien à part mordre ou japper. Prenez la disparition des vicaires épiscopaux. Les doyens, eux, sont élus par les prêtres, alors que les vicaires étaient nommés par l'archevêque. En général, les catholiques qui se disent progressistes veulent ce genre de collégialité. Mais là, ils ne sont toujours pas contents.»