Loin de mieux les protéger, les nouvelles règles qui encadreront bientôt la prostitution au Canada rendront les femmes, les hommes et les transgenres qui offrent des services sexuels encore plus vulnérables, en les poussant à travailler dans l'ombre.

C'est ce que soutiennent quatre organismes oeuvrant auprès des prostitués de Montréal. En conférence de presse, jeudi, leurs porte-parole ont une fois de plus dénoncé le projet de loi C-36, qui rendra de facto la prostitution illégale au Canada, en criminalisant les consommateurs de services sexuels.

« On souhaite que ce projet de loi ne passe pas », dit Anna-Aude Caouette, de Stella, un organisme qui défend les prostitués depuis près de 20 ans. « On souhaite que le gouvernement fasse marche arrière et qu'il respecte la vision de l'arrêt Bedford. »

Rendu en décembre, ce jugement de la Cour suprême avait déclaré inconstitutionnels les articles de loi interdisant la sollicitation, le proxénétisme et la tenue d'une maison de débauche.

Le plus haut tribunal du pays avait alors jugé que ces articles brimaient les droits fondamentaux des prostitués, en les poussant à prendre des risques et en les exposant ainsi à la violence. La Cour suprême avait donné un an au gouvernement pour réécrire la loi.

Mais le projet de loi C-36 ne fait qu'empirer les choses, affirme Claude Poisson, coordonnateur de Rézo, un organisme de soutien aux prostitués mâles de Montréal : « Nous n'avons jamais été aussi préoccupés par la santé mentale et physique des hommes qui exercent le travail du sexe. Les discussions sur la criminalisation nous inquiètent et nous angoissent. »

« La peur de se faire arrêter et amener au poste de police pousse [les travailleurs du sexe] à se déplacer vers des lieux isolés, poursuit M. Poisson. Ils se retrouvent ainsi dans des contextes où ils ont peu de protection et où il est difficile de sélectionner les clients. Cet isolement augmente les risques de violence, d'enlèvement, de disparition et d'agression sexuelle. »

Peu d'organismes terrain ont été invités aux audiences du Comité Justice des Communes, chargé d'étudier le projet de loi controversé, en juillet. « Il y avait beaucoup plus de monde issu de la communauté évangélique chrétienne que des droits des travailleuses du sexe », affirme Robyn Maynard, de Stella.