L'Ontario ne peut refuser de dévoiler le nombre de délinquants sexuels qui habitent dans les différents codes postaux de la province, a tranché la Cour suprême du Canada dans un jugement rendu jeudi.

Une demande avait été faite en vertu de la Loi sur l'accès à l'information pour que soit dévoilée une liste des trois premiers caractères des codes postaux de l'Ontario, assortie du nombre de délinquants sexuels inscrits au registre provincial qui habitent dans chacune de ces régions.

Le ministère ontarien de la Sécurité communautaire a refusé de transmettre l'information, craignant que les délinquants puissent être identifiés et que des citoyens ne s'improvisent justiciers et les menacent ou même les passent à tabac.

Sans oublier la possibilité qu'ils ne confectionnent des «cartes de délinquants sexuels», comme celles qui sont accessibles au public sur le Web aux États-Unis.

Pour justifier son refus, le ministère a aussi invoqué le fait que les informations du registre sont confidentielles en vertu de la loi, et ne peuvent être utilisées que par les forces de l'ordre. Le ministère craint aussi que les délinquants ne se rapportent pas aux autorités comme ils sont censés le faire s'il y a un risque que les données sur leur lieu de résidence ne soient rendues publiques.

Certaines grandes villes ontariennes, comme Ottawa, comportent 40 codes à trois caractères, tandis que la ville de Dryden n'en a qu'un, ce qui pourrait permettre de localiser plus rapidement un individu.

Selon «la loi Christopher», qui a créé le registre en Ontario, celui-ci doit inclure les noms, date de naissance et adresse des délinquants sexuels, ainsi que les infractions sexuelles pour lesquelles ils ont été condamnés. On peut aussi y retrouver des photographies du délinquant et son signalement, l'adresse et le numéro de téléphone de son lieu de travail et l'adresse de toute résidence secondaire.

Au Québec, les informations du registre, tenu par la Sûreté du Québec, sont aussi confidentielles.

Pour obtenir le nombre de délinquants par code de trois caractères de codes postaux, il faudrait formuler une demande à l'accès à l'information, a indiqué un porte-parole du ministère québécois de la Sécurité publique.

Le résultat pourrait toutefois être différent du présent cas, car la Loi québécoise sur l'accès à l'information n'est pas rédigée de la même façon. Notamment, elle ne comprend pas de clause de préséance pour la Loi à l'accès à l'information et contient des exceptions différentes à la transmission des renseignements demandés.

Dans le cas de la demande ontarienne, la commissaire à l'information a ordonné la production des informations requises - malgré les protestations du ministère de la Sécurité communautaire - car la Loi sur l'accès à l'information a généralement préséance sur toute autre loi.

Le ministère a fait appel de cette ordonnance, mais a été débouté par deux tribunaux, dont la Cour d'appel de l'Ontario. Il vient maintenant de voir son appel rejeté par la Cour suprême du Canada.

Le plus haut tribunal du pays a jugé que la commissaire avait bien évalué la situation en déterminant que la transmission de ces renseignements ne permettrait pas d'identifier des délinquants ou de connaître l'adresse de leur domicile, ajoutant que le ministère n'avait pas suffisamment démontré le risque de préjudice. La décision aurait sûrement été différente si la demande avait visé les codes postaux complets, laisse entendre la Cour.

De plus, la commissaire avait noté que la Loi sur l'accès à l'information et à la protection de la vie privée ne prévoit pas expressément d'exception spécifique pour le registre des délinquants sexuels.

«Si le législateur avait voulu que la disposition de la Loi Christopher relative à la confidentialité l'emporte, il aurait employé des termes explicites en ce sens», écrit la cour.