Le Canada envoie six CF-18 en Pologne, malgré l'entente diplomatique annoncée entre les États-Unis, la Russie, l'Ukraine et l'Union européenne jeudi.

Le premier ministre Stephen Harper a fait cette annonce au terme d'une rencontre avec le chef d'état-major des Forces armées canadiennes, le général Tom Lawson.

« Le Canada continue de condamner fermement l'occupation russe illégale en Ukraine ainsi que les gestes provocateurs militaires continus posés par la Russie », a déclaré M. Harper.

« Le Canada reste inébranlable dans son soutien envers l'Ukraine et ne demeurera pas impassible pendant que la souveraineté et l'intégrité de ce pays sont menacées », a-t-il ajouté.

Une vingtaine d'officiers des Forces armées seront aussi envoyés aux quartiers généraux de l'OTAN à Bruxelles. Les CF-18 seront basés à Lask, en Pologne.

Mesures dissuasives

Ces mesures sont prises en réponse à une requête de l'OTAN, afin d'assister ses opérations en Europe de l'Est.

Mercredi, le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a annoncé une intensification des patrouilles le long de la frontière est de l'alliance.

« Nous aurons davantage d'appareils dans les airs et davantage de navires sur les mers. Et notre état de préparation à terre sera accru », a-t-il déclaré.

« Les décisions que nous avons prises aujourd'hui relèvent de la défense, de la dissuasion et de la désescalade. Elles cadrent parfaitement avec nos engagements internationaux », a insisté le secrétaire général.

« Nous adressons un appel à la Russie pour qu'elle fasse partie de la solution. Pour qu'elle cesse de déstabiliser la situation en Ukraine, retire ses troupes des abords de la frontière et fasse clairement comprendre qu'elle ne soutient pas les actions violentes des groupes de séparatistes prorusses puissamment armés. »

Entente diplomatique

Jeudi, le président russe Vladimir Poutine a fait peser la menace voilée d'un recours à la force en Ukraine, en pleines tractations à Genève entre la Russie, les États-Unis, l'UE et l'Ukraine pour tenter de dénouer la pire crise est-ouest depuis la Guerre froide.

Quelques heures plus tard, le secrétaire d'État américain, John Kerry, a annoncé une entente diplomatique à Genève entre les États-Unis, l'Union européenne, l'Ukraine et la Russie pour amorcer une désescalade de la crise. 

Le bureau du premier ministre Harper a indiqué que l'entente ne changeait pas sa décision sur l'envoi de CF-18.  «La Russie doit prendre des mesures pour désamorcer la situation en Ukraine tout en respectant la souveraineté et «intégrité territoriale de l'Ukraine. Les actions de la Russie doivent refléter sa parole», a déclaré un porte-parole, Carl Vallée.

L'Opposition officielle a réagi favorablement à l'annonce du gouvernement conservateur. « Il est approprié que le Canada réponde à l'appel de l'OTAN pour avoir des effectifs additionnels en Europe pour rassurer nos partenaires, les Européens de l'Est en particulier », a réagi le député du NPD Jack Harris.

« Nous emboîtons le pas à six ou sept autres nations qui ont accepté de le faire jusqu'à maintenant », a ajouté M. Harris.

« Mais encore plus importantes, je crois, sont les mesures concrètes annoncées à Genève pour entreprendre une désescalade des tensions. »

Missions de reconnaissance

Le major général à la retraite Terry Liston, chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand, a souligné que l'annonce de l'envoi des appareils canadiens s'inscrit dans le cadre d'une démarche politique qui vise à assurer à certains pays d'Europe de l'Est, ex-membres de l'URSS, de la protection de l'OTAN.

« Ça les rassure et ça démontre la solidarité de l'OTAN qui est prête à les défendre, malgré que personne ne s'attend pour le moment à la troisième guerre mondiale ! Mais c'est quand même une assurance politique que la Russie ne sera pas capable de s'ingérer dans leurs affaires internes », a dit M. Liston à La Presse.

Pas question de s'impliquer dans des affrontements, a souligné le major général. « Le Canada va simplement participer à des missions de reconnaissance, à des missions pour assurer la sécurité de l'espace aérien des nouveaux pays de l'OTAN. »

Sanctions

Le ministre des Affaires étrangères du Canada, John Baird, doit se rendre en Pologne et dans d'autres pays de l'Europe de l'Est la semaine prochaine.

Ottawa a multiplié les sanctions économiques et diplomatiques depuis l'incursion des troupes russes en Crimée, en plus de se rendre lui-même en Ukraine et de contester la légitimité du référendum tenu dans la péninsule.

En marge d'une rencontre avec l'ambassadeur ukrainien au Canada cette semaine, Stephen Harper avait sévèrement critiqué les gestes du gouvernement russe dans ce conflit.

«Lorsqu'une puissance majeure agit de manière si nettement agressive, militariste et impérialiste, cela représente une menace importante à la paix et à la stabilité dans le monde, et il est temps que nous reconnaissions toute l'ampleur et la gravité de cette menace», a déclaré le premier ministre.

«Le passé nous dit que quiconque se donne comme mission de réécrire l'histoire, comme c'est la volonté de M. Poutine, échoue au bout du compte. Mais nous allons faire tout ce qui est possible pour le faire échouer», a-t-il ajouté.

Avec la Presse canadienne