Une cinquantaine de CHSLD, ces établissements qui hébergent des aînés en lourde perte d'autonomie, ne sont protégés par aucun système de gicleurs ou ne le sont que partiellement.

Au lendemain de la tragédie de L'Isle-Verte, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Réjean Hébert, avait reconnu que même des CHSLD ne sont pas munis de gicleurs. Il en ignorait le nombre, mais il s'est engagé à corriger la situation rapidement. Il a demandé à ses fonctionnaires de faire un inventaire complet de la présence de gicleurs dans les 403 centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) du Québec.

La Presse a pris connaissance des résultats de la recherche du Ministère, quasi terminée. Sur les 394 CHSLD pour lesquels on disposait de données en date d'hier, 25 n'ont pas de gicleurs. Et 31 en ont «en partie», comme c'était le cas pour la Résidence du Havre, qui, rappelons-le, était un établissement privé, et non un CHSLD. La grande majorité des CHSLD, 338, sont munis de gicleurs.

Les CHSLD hébergent des aînés en grande perte d'autonomie ou des personnes lourdement handicapées qui ont besoin de plus de trois heures de soins par jour. Les normes sont plus sévères pour ces établissements que pour les résidences privées, où les personnes âgées sont autonomes ou semi-autonomes.

Urgence

En entrevue à La Presse la semaine dernière, Réjean Hébert a affirmé qu'il est «tout à fait» urgent d'installer des gicleurs dans les CHSLD qui n'en ont pas. Québec prescrit l'installation de gicleurs lors de la construction de nouveaux CHSLD depuis 2000 seulement. Il n'y avait aucune obligation en ce sens avant 1977. Les normes ont progressé tranquillement de 1977 à 2000, les gicleurs étant prescrits en fonction de la superficie et du nombre d'étages. Or, comme l'a indiqué Réjean Hébert, les CHSLD sont bien souvent des bâtiments qui ont été construits dans les années 50, 60 et 70.

À l'heure actuelle, des gicleurs doivent être installés dès qu'un CHSLD entreprend des «travaux majeurs» ou qu'un bâtiment est converti en CHSLD. De fait, de tels équipements ont été posés lors de la rénovation de bâtiments au cours des dernières années. Mais Réjean Hébert veut accélérer la cadence, ce qui nécessitera des investissements importants.

Un peu plus de la moitié des résidences privées pour aînés (1052 sur 1953) n'ont pas de gicleurs, et 204 n'en ont que «partiellement», selon une compilation faite par La Presse la semaine dernière. Réjean Hébert a confirmé que ces données sont valides. Il a précisé que 70% des personnes âgées habitant une résidence privée vivent dans des établissements munis de gicleurs.

Plan de match du gouvernement

Réjean Hébert veut une réglementation «plus sévère» sur les gicleurs et a donné un aperçu du plan de match du gouvernement, en marge d'une réunion du conseil des ministres mercredi. «Une piste extrêmement intéressante» à ses yeux serait, dans un premier temps, d'obliger toute nouvelle construction à installer des gicleurs. «Et de commencer par les résidences pour les personnes semi-autonomes», a-t-il ajouté. «La première étape» devrait viser les établissements qui accueillent «les clientèles plus vulnérables», a-t-il insisté.

Selon les estimations du ministère de la Santé, imposer l'installation de gicleurs à l'ensemble des résidences privées pour aînés, qu'ils soient autonomes ou semi-autonomes, représente une facture de 80 millions. «Il faut s'assurer que quand on impose la norme, la facture n'est pas refilée aux locataires. Sinon, on va priver les personnes âgées de pouvoir avoir accès à un loyer à un prix raisonnable», a dit Réjean Hébert.

Il évoque la possibilité de mettre sur pied un programme d'aide financière. Mais il veut également faire preuve d'«équité» envers les résidences qui se sont déjà équipées de gicleurs. Pourrait-il y avoir une forme de compensation? «Il faut regarder ça», a-t-il répondu. La réflexion n'est plus de savoir «si» l'on imposera la pose de gicleurs, mais bien «comment». «Ce n'est pas une mince affaire», a dit le ministre.

«Comité gicleurs»: deux réunions en un an

On se préoccupait de la réglementation sur les gicleurs avant la tragédie de L'Isle-Verte, puisqu'un comité avait été chargé d'étudier la question dès février 2013, a dit le gouvernement Marois la semaine dernière. Or ce comité ne s'est réuni que deux fois, en février et en avril 2013, a confirmé à La Presse une source sûre. Il y a eu peu de contacts les mois suivants. Et c'est en décembre qu'avait été fixée la date de la prochaine réunion. Initialement prévue le 20 février, cette réunion a été devancée au 6 février en raison de l'urgence créée par l'incendie de la Résidence du Havre. Le gouvernement Marois avait créé ce comité après que l'idée de revoir la réglementation en cette matière n'eut pas été retenue lors de la rédaction des nouvelles normes de sécurité dans les résidences, des normes proposées en 2012 et adoptées en février 2013. Il se proposait d'approfondir la question.