Journées plus longues, davantage de travail seul, départs à la retraite non remplacés: les demandes patronales du CN vont à l'encontre d'un renforcement de la sécurité ferroviaire, estime le syndicat des Teamsters.

«Le CN essaie encore d'obtenir des concessions de notre part qui feraient en sorte que nos membres fassent de plus longues heures, qu'ils aient moins de temps de repos entre deux quarts de travail et qu'ils fassent plus de travail lorsqu'ils sont seuls, affirme Roland Hackl, dans une déclaration écrite que La Presse a obtenue. Nous sommes très inquiets de la façon dont ces concessions affecteraient la santé et la sécurité des Canadiens et de nos membres.»

Les Teamsters représentent 3300 employés du CN. La dernière convention collective est venue à échéance le 22 juillet dernier, quelques jours après la catastrophe ferroviaire de Lac-Mégantic.

La direction du CN n'a pas voulu commenter les affirmations du syndicat, sauf en termes généraux. «Le CN ne croit pas qu'aucune de ses propositions ne compromettrait la sécurité de ses opérations», a affirmé à La Presse Louis-Antoine Paquin, directeur régional, affaires publiques et gouvernementales, au CN.

Selon le syndicat, le CN affirme que ses demandes visent à «éliminer des restrictions artificielles». Mais ces concessions auraient pour effet de réduire le nombre de travailleurs et d'augmenter la charge de travail de ceux qui demeureraient.

«La tragédie de Lac-Mégantic ne doit pas avoir eu lieu en vain, affirme M. Hackl. La santé et la sécurité des travailleurs et du public sont non négociables.»

La sortie des Teamsters est survenue le jour même où le grand patron du CP, Hunter Harrison, affirmait dans une entrevue au Globe&Mail qu'un accident comme celui qui a rasé le centre-ville de Lac-Mégantic et tué 47 personnes pourrait se reproduire, faute d'une réglementation plus serrée.

«Nous devons améliorer les wagons-citernes, les chemins de fer doivent être plus sûrs et mieux exploités, et les employés doivent obéir aux règles», a affirmé M. Harrison.

Louanges et critiques

M. Harrison s'est fait connaître pour sa capacité à augmenter la rentabilité des chemins de fer, tant au CP qu'au CN, qu'il a dirigé de 2003 à 2009. Ses prouesses pour rentabiliser le CN ont d'ailleurs été soulignées en 2007 par le Globe&Mail, qui l'a nommé PDG de l'année.

Mais il a fait face à de nombreuses critiques au sujet des compromis que sa gestion pouvait impliquer pour les questions de sécurité. Récemment, le maire de Calgary a interpellé M. Harrison quand cinq wagons ont déraillé sur un pont ferroviaire peu après les inondations historiques qui ont frappé la ville cet été.

Depuis son arrivée à la tête de CP, M. Harrison a affirmé qu'il voulait éliminer 4500 emplois d'ici 2016. Parmi ceux-ci, il y a des inspecteurs chargés d'inspecter les wagons, ce que dénonçait le syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile, le mois dernier.

Au CN, selon de nombreuses déclarations syndicales, M. Harrison a mis la rentabilité avant toute autre considération, y compris la sécurité, et il est en train d'employer la même recette au CP.

«Si vous regardez ce qui s'est passé au CN quand il en a pris la direction, on est en train de vivre le même cauchemar [au CP], a affirmé cet été Rob Smith, directeur national des affaires législatives à la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada. Le CP était un vaisseau amiral en termes de sécurité, mais il est en train de couler.»