T-shirts deux fois plus chers en français qu'en anglais, site internet unilingue pour sa fondation qui vend la plupart de sa marchandise dans cette langue: la GRC s'est fait taper sur les doigts par le Commissaire aux langues officielles pour son manque de respect du français après une plainte du NPD.

Le commissaire Graham Fraser vient de rendre un rapport préliminaire sur la situation - obtenu par La Presse Canadienne -  après que le député néo-démocrate Yvon Godin, aussi porte-parole du parti en matière de langues officielles, ait porté plainte contre la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

M. Fraser a conclu que les plaintes, déposées en 2011, sont fondées.

L'enquête a notamment révélé qu'à ce moment, sur le site web de la boutique de souvenirs «Mountie», les images présentant les vêtements portent tous le logo RCMP (Royal Canadian Mounted Police), même sur la page française.

«De tous les articles vendus dans le site web de la boutique Mountie, il n'y a aucune photo portant le logo «GRC», note M. Fraser.

Un message explique qu'il faut passer une commande spéciale pour se procurer un item «dans une autre langue officielle».

Or, il en coûtera alors près du double pour y voir le sigle GRC et la livraison sera deux fois plus longue, a constaté le commissaire.

«C'est aberrant», a commenté la députée bloquiste Maria Mourani. «Tout le monde devrait payer le même prix».

La fondation s'occupe de ramasser l'argent généré par les dons et par la vente de marchandises - notamment par la boutique Mountie à Ottawa - arborant les emblèmes de la GRC. L'argent sert ensuite à appuyer les activités de la Gendarmerie royale en matière de police communautaire et de prévention criminelle.

La GRC a d'abord argumenté que les produits vendus par la boutique Mountie ne sont pas un «service» offert par la GRC. Et que ni sa fondation ni la boutique ne sont assujetties à la loi sur les langues officielles car elles ne sont pas des «institutions fédérales».

Le commissaire a rejeté ces prétentions.

«La fondation agit pour le compte de la GRC au sens de l'article 25 de la loi. Dans cette optique, il incombe à la GRC de s'assurer que les communications et les services destinés au public par la fondation et par la boutique Mountie sont disponibles dans les deux langues officielles et qu'ils sont de qualité égale», écrit M. Fraser.

Il a aussi noté que le panneau d'ouverture de la boutique était uniquement en anglais en 2011: «open/closed». Celui-ci est désormais bilingue.

Aussi, des 14 ouvrages sur la police montée vendus, aucun n'est offert en français, a constaté le commissaire.

Le site de la fondation, incluant les liens pour les dons, sont uniquement dans la langue de Shakespeare. Et c'est toujours le cas en 2013.

M. Godin trouve absurde que la GRC, dont le mandat est de faire respecter les lois, se batte de cette façon.

«C'est un manque de respect, c'est un manque de compréhension. Ils sont là pour faire respecter les lois, et la loi sur le bilinguisme c'est une loi du Canada. Ce sont les plus mal placés pour ne pas vouloir respecter une loi du Canada», dit-il.

Il salue le rapport de M. Fraser qui envoie, selon lui, un message clair aux institutions fédérales qu'il est impératif de respecter le français.

Mais il veut plus.

«Il y a quelqu'un qui a la responsabilité de leur dire, et moi je crois que c'est le premier ministre, le gouvernement conservateur qui est au pouvoir, qui devrait dire aux dirigeants de la GRC qu'il faut respecter la loi sur les langues officielles», a-t-il ajouté.

Le député libéral Bob Rae est du même avis.

«Il faut continuer l'effort venant du bureau du premier ministre, venant du Parlement du Canada pour renforcer l'importance du bilinguisme». Il dit voir beaucoup d'exemples où il y a un ralentissement dans les efforts du gouvernement de M. Harper.

La GRC a déjà pris certains engagements, notamment afin d'aider la fondation à traduire son site.

C'est un pas dans la bonne direction, a commenté M. Godin.

M. Fraser rédigera son rapport final après avoir reçu les commentaires de la GRC et du député à l'origine de la plainte.

Contactée pour avoir ses commentaires sur le rapport, la GRC a d'abord voulu diriger les questions vers la fondation. Après s'être fait souligner que les plaintes étaient dirigées envers elle et non envers la fondation, la GRC a indiqué en fin de journée qu'elle ne pourrait fournir de commentaires à temps lundi. Ni indiquer ce qu'elle entend faire.

Quant au ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, son bureau a transmis le paragraphe suivant, en anglais uniquement.

«La fondation de la GRC est une organisation distincte du gouvernement du Canada et n'est donc pas sujette à la Loi sur les langues officielles», a indiqué d'entrée de jeu Andrew McGrath, attaché de presse du ministre Toews.

«Cependant, notre gouvernement respecte les deux langues officielles et croit que les Canadiens devraient avoir accès aux services dans la langue officielle de leur choix. C'est pourquoi nous avons procédé à encourager la fondation pour qu'elle s'assure que son site web soit disponible dans les deux langues officielles», ajoute-t-il.