Quinze mois après avoir promis un comité sur la situation du français comme langue de travail dans les entreprises sous compétence fédérale situées au Québec, le ministre de l'Industrie Christian Paradis sort de son chapeau un rapport de 18 pages, rédigé par trois sous-ministres.

Et il conclut que tout va bien.

«Ce que je constate dans ce rapport-là, c'est exactement ce qui m'a été rapporté sur le terrain, pratiquement noir sur blanc. Donc à partir de là, oui, je suis conforté, très, très, très bien conforté», a déclaré le ministre Paradis au cours d'une conférence de presse dans des bureaux fédéraux à Gatineau, vendredi matin.

Ce rapport qui est «une étude indépendante», selon M. Paradis, collige certaines statistiques déjà publiques et rapporte une consultation auprès de 12 entreprises. Aucune donnée chiffrée n'est offerte sur cette consultation.

Pour présenter les réponses des personnes interrogées dans ces 12 entreprises, on se sert de constatations comme «dans la grande majorité des cas» ou «certains employés» ou encore «dans la plupart des cas».

La conclusion, à la dix-huitième page du document: «Le français semble être la langue de travail et de communication interne dans les entreprises privées de compétence fédérale au Québec, (...) les employés de ces entreprises peuvent, en général, travailler en français (...)»

Le rapport offre une conclusion, mais aucune recommandation.

«On ne voulait pas avoir de recommandations du comité (à) On s'est toujours gardé la marge de manoeuvre pour tirer notre propre conclusion», a offert le ministre Paradis, en toute candeur.

Le ministre Paradis avait promis un comité et un rapport lorsqu'à l'automne 2011, l'embauche d'un vice-président unilingue anglophone à la Banque Nationale faisait les manchettes.

Depuis, chaque fois qu'il a été questionné, son gouvernement a répondu que le comité n'était pas encore formé.

Au cours de sa conférence de presse dans des bureaux fédéraux à Gatineau, vendredi matin, le ministre a refusé de dire avec précision quand le comité a été formé et combien de temps il a travaillé sur ce rapport. Il a cependant avancé qu'il était préférable de faire le travail ainsi. Un comité officiel avec un mandat aurait, selon lui, rallumé le débat linguistique au Québec.

«On a décidé de ne pas politiser la chose pour tomber, dans cette trappe-là de raviver un débat linguistique qui aurait pu prendre des proportions non souhaitables, non souhaitées», a-t-il dit.

L'opposition, elle, lui reproche plutôt le travail «en catimini et en secret». Et surtout, elle juge le rapport produit non crédible.

Les néo-démocrates parlent d'un «simulacre de comité».

«Qu'est-ce que vous feriez si vous étiez un sous-ministre qui receviez une commande de votre ministre (alors que) vous savez pertinemment quelle est la conclusion à laquelle il veut arriver?», a ironisé le député du NPD, Robert Aubin, à l'entrée des Communes.

«On arrive avec un rapport (...) qui est arrangé avec le gars des vues pour finalement dire »tout va bien Mme la marquise«», a pour sa part offert le bloquiste André Bellavance.

Le rapport du ministre Paradis s'est fait cependant applaudir par le Conseil du patronat du Québec. Le président du Conseil, Yves-Thomas Dorval, y voit une image réaliste de la situation des employeurs. Dans un communiqué émis vendredi après-midi, M. Dorval écrit que ces entreprises font des efforts de francisation et «méritent d'être encouragées et appuyées, et non pas pénalisées par de la paperasse et de la bureaucratie additionnelles».

Le Conseil du patronat est l'une des cinq associations patronales consultées pour la rédaction du rapport. Mais si la consultation de cinq syndicats mérite quatre paragraphes au contenu flou, celle des associations patronales n'a droit à aucune ligne dans le rapport.