Le récit de la vie de Daniel Lafontaine dans une Bosnie déchirée par la guerre fait frissonner ceux qui l'entendent.

Son histoire, celle d'un homme tenu en otage pendant le conflit, rappelle à son public les risques auxquels font face les soldats en zone de guerre, tandis que ses descriptions de rues jonchées de cadavres créent une image dévastatrice des dégâts que peuvent causer les combats.

M. Lafontaine a consacré les neuf derniers mois à partager des histoires sur les horreurs de la guerre avec des élèves à proximité de Québec, sa ville natale.

Ces rencontres sont organisées via le Projet Mémoire de l'Institut Historica-Dominion, qui enregistre les témoignages des anciens combattants.

Les récits de M. Lafontaine pourraient aider les générations futures à se rappeler des effets dévastateurs de la guerre, mais ils l'aident aussi, personnellement, à oublier.

L'homme âgé de 47 ans a d'ailleurs constaté que le fait de partager ses expériences faisait partie intégrante de sa guérison d'un syndrome de stress post-traumatique (SSPT).

«Vous gardez toujours cela en silence en vous. Je suis désormais capable de me libérer de toutes les mauvaises choses qui demeuraient dans ma tête», a déclaré le sergent à la retraite lors d'une entrevue téléphonique. «Je ne peux pas le contrôler, mais je peux accepter les problèmes dont je souffre maintenant.»

Confronter ces émotions s'est avéré un processus long et presque mortel pour M. Lafontaine, qui dit n'avoir souffert d'aucun symptôme avant que plusieurs années ne se soient écoulées depuis son départ de l'armée, en 2003.

Lorsqu'il a commencé à devenir irritable, agressif et colérique, il n'a jamais associé ses humeurs changeantes aux traumatismes dont il a été témoin lors de ses deux déploiements en Bosnie.

Après une tentative de suicide en 2009, toutefois, M. Lafontaine a commencé à recevoir de l'aide pour sa maladie et d'autres problèmes d'anxiété. Il a rapidement découvert que le fait de partager ses souvenirs avec son équipe psychiatrique n'était pas suffisant, a-t-il dit, ajoutant qu'il sentait qu'il était important de s'assurer que d'autres personnes reçoivent des informations sur les sacrifices quotidiens des soldats.

Le fait que M. Lafontaine trouve que ses discours en public aident à sa guérison n'est pas surprenant, aux yeux de Katy Kamkar, de l'unité de traumatisme psychologique du Centre for Addiction and Mental Health de Toronto.

Partager des souvenirs avec un public sympathique à sa cause est un prolongement du type de traitements que reçoivent les victimes du SSPT en thérapie individuelle, dit-elle.

Les victimes entament souvent le traitement en évitant les sujets potentiellement difficiles, pour ensuite découvrir que leur réserve disparaît lorsque les psychologues les poussent à discuter de leurs traumatismes en détail.

Les anciens combattants qui décident de leur plein gré de franchir cette étape devant des groupes d'inconnus, mentionne Mme Kamkar, ont réussi à franchir une étape cruciale.

«Nous encourageons toujours les conversations pour réduire le fait d'éviter de discuter des moments traumatisants, affirme-t-elle. Le fait qu'ils aient accompli une étape supplémentaire et parlent de leurs traumatismes est vraiment bénéfique.»

Pour M. Lafontaine, le procédé consistant à s'ouvrir et à offrir ses souvenirs pour venir à bout du SSPT est plus facile à dire qu'à faire pour les soldats des récents conflits comme ceux des guerres précédentes.

Ses confessions de maladie mentale lui attirent souvent des regards étonnés de la part de collègues vétérans, dit-il, ajoutant que le sujet souffre encore d'un fort tabou au sein des cercles militaires.

«Ils ne veulent pas en parler parce qu'ils ne veulent pas avoir l'air de demander de l'aide, ou ils ne veulent pas admettre qu'ils ont un problème», explique-t-il.