Afin d'atteindre ses cibles de compressions salariales fixées par le gouvernement conservateur, l'Agence des services frontaliers a aboli des équipes de douaniers spécialisés qui rapportaient pourtant des millions chaque année en saisissant l'argent comptant qui transite illégalement dans les aéroports.

L'Agence a confirmé à La Presse qu'elle compte économiser 3,4 millions de dollars pour 2014-2015 grâce à l'abolition récente de ces équipes. «Les agents expressément affectés à cette initiative seront réaffectés à d'autres rôles», explique Luc Nadon, porte-parole de l'Agence.

Celui-ci précise qu'il fallait sabrer massivement les dépenses et que la direction a choisi «les secteurs où la nécessité diminue» afin de réaliser des économies. «Dans le cadre des efforts pangouvernementaux pour réduire le déficit, l'ASFC a examiné ses dépenses, plus principalement les frais d'exploitation, et doit réaliser des économies permanentes de 143,4 millions de dollars d'ici 2014-2015», dit-il.

Le syndicat des douaniers trouve absurde l'idée d'économiser en abolissant des équipes dont la tâche est justement de confisquer des millions aux gens soupçonnés d'être liés au terrorisme et au crime organisé.

Il craint que les compressions ne se traduisent par une diminution des lucratives saisies d'argent comptant dans les aéroports. Seulement à l'aéroport Trudeau, l'argent saisi en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes totalisait 5,8 millions en 2009, 7 millions en 2010 et 4 millions en 2011.

À l'aéroport Pierre-Elliot-Trudeau, l'équipe était composée d'à peine cinq à six employés extrêmement efficaces et productifs, affirme Jean-Pierre Fortin, président du Syndicat des douanes et de l'immigration. «Leur travail était d'attraper l'argent avant qu'il sorte du pays, ils travaillaient avec le service du renseignement», explique-t-il.

Toute somme supérieure à 10 000$ doit être déclarée aux douanes par les voyageurs, sans quoi elle risque d'être saisie. Par exemple, en 2009, les agents avaient saisi près de 100 000$ d'un seul coup sur Patrizio D'Amico, membre d'un clan italo-québécois rival des Rizzuto qui s'apprêtait à prendre l'avion pour la République dominicaine.

«Montréal a toujours été connu comme une plaque tournante pour le crime organisé. Nous avons notamment des groupes qui sont établis en République dominicaine et qui veulent faire passer de l'argent», confirme M. Fortin.

Il craint que les saisies diminuent aussi en raison des compressions au sein des équipes de maîtres-chiens, elles aussi entraînées à détecter les liasses d'argent cachées dans les valises.

L'Agence des services frontaliers se fait rassurante. Elle assure qu'elle adoptera une approche «axée sur le risque» qui sera plus efficace et nécessitera moins d'agents pour saisir l'argent caché.

Le syndicat des douanes en doute. «On ne sait pas ce qu'ils veulent dire. Il faut être naïf pour affirmer qu'avec moins d'agents et moins de chiens, on va être plus efficace», dit M. Fortin.

Au total, le syndicat prévoit que les compressions se traduiront par une perte de plus de 1300 emplois d'un océan à l'autre au sein de l'Agence des services frontaliers. Les réductions d'effectifs se feront principalement par attrition et les services en première ligne aux voyageurs ne seront pas touchés, promet la direction.

- Avec la collaboration de William Leclerc