Le Québec a lui aussi connu son lot de morts dans des écroulements comme celui d'Elliot Lake. Les familles de victimes ont d'ailleurs multiplié les recours judiciaires à ce sujet au cours des derniers mois, en réclamant des millions aux propriétaires d'immeuble impliqués.

Une nouvelle poursuite vient tout juste d'être déposée par Hani Beitinjaneh. L'ancien banquier a vécu l'horreur en juillet 2009. Il était tranquillement assis au restaurant montréalais Mikasa, rue Peel, lorsqu'un bloc de béton estimé à 320 kg s'est détaché du 18e étage de l'hôtel Mariott Residence Inn.

Son amoureuse, Léa Guilbeault, a été écrasée mortellement. Elle avait 33 ans.

Dans sa poursuite que La Presse a obtenue, il détaille les conséquences sur sa vie après l'effondrement: doigt coupé, main écrasée, coupures et contusions à la tête et au visage, anxiété, attaques de panique, fatigue constante, perte de concentration, incapacité à retourner au travail, perte d'intérêt pour la vie. Sans compter qu'il n'a jamais pu avoir d'enfant avec sa conjointe, un projet qu'ils caressaient tous les deux.

Dans sa poursuite datée du 7 juin dernier, il réclame 2,8 millions en dommages au propriétaire et au gestionnaire de l'immeuble d'où est tombé le bloc de béton.

«Les défendeurs savaient ou auraient dû savoir que l'édifice était en état de délabrement, mais ont échoué et négligé l'entretien de l'immeuble, agissant avec négligence pour la vie et la sécurité des personnes dans les environs», écrivent ses avocats dans la poursuite.

M. Beitinjaneh n'est pas le seul à s'attaquer aux propriétaires à la suite d'un tel drame.

En mars, les parents de sa conjointe avaient déjà entrepris une poursuite semblable de 1,1 million devant les tribunaux.

En novembre dernier, les proches d'un immigrant tchadien tué dans l'effondrement d'un stationnement souterrain à Saint-Laurent, en 2009, ont quant à eux déposé une poursuite de près de 1 million de dollars contre le propriétaire de

l'immeuble concerné.

Responsabilité des propriétaires

Si les avocats multiplient ainsi les recours civils, c'est que c'est bien au propriétaire que revient la responsabilité de s'assurer que son édifice est sûr.

«C'est la même chose pour un bâtiment commercial ou une habitation: le propriétaire est responsable de la sécurité des personnes qui fréquentent et utilisent les équipements», a rappelé hier Sylvain Lamothe, porte-parole de la Régie du bâtiment du Québec.

En vertu des lois québécoises, lorsqu'un immeuble pose problème, la Régie peut intervenir et forcer le propriétaire à faire les travaux nécessaires. Elle peut même en forcer l'évacuation s'il y a danger imminent.

Mais selon Lucie Martineau, porte-parole du Syndicat de la fonction publique du Québec, qui représente les inspecteurs de la Régie, l'organisme manque encore de ressources pour détecter les immeubles à risques, comme le centre commercial d'Elliot Lake.

«Au début des années 2000, ils ont diminué beaucoup les inspections systématiques. Je suis tannée, on dirait que chaque fois que la Régie du bâtiment intervient, c'est parce qu'il y a une catastrophe. Il ne faut plus attendre les catastrophes, il faut mettre les ressources nécessaires, avoir un plan de contrôle et ne pas se fier seulement à la bonne volonté des propriétaires», dit-elle.