La CIA présentait en secret Pierre Trudeau comme un politicien déchiré entre l'idée d'être un dirigeant du tiers-monde et celle de jouer un rôle réel parmi les nations industrialisées, montrent des documents rayés de la liste des documents secrets.

Cette évaluation des ambitions du premier ministre libéral, datant de 1982, figure parmi plusieurs analyses détaillées de l'économie canadienne faites par l'agence américaine du renseignement.

En vertu des dispositions de la loi américaine sur la liberté d'accès à l'information, La Presse Canadienne a mis la main sur plus d'une douzaine de rapports de la CIA portant sur divers aspects du commerce, de l'industrie et de la technologie canadiens durant la guerre froide.

Ces évaluations traduisent un vif intérêt pour les affaires canadiennes de la part d'une agence davantage connue pour la guerre secrète menée contre les espions du bloc soviétique pendant les décennies ayant mené à la chute du Mur de Berlin, en 1989.

Des analystes de la CIA se sont penchés sur presque toutes les cartes disponibles du Canada, ont examiné soigneusement la production minérale canadienne, réfléchi à la question des intérêts japonais dans les sables bitumineux de l'Alberta, catalogué les tendances en matière de transport maritime et gardé un oeil sur les relations entre le Canada et le monde communiste.

En dépit du passage du temps, des portions des documents étaient considérées comme trop délicates pour être rendues publiques.

La CIA a préparé deux études confidentielles sur l'économie canadienne, en avril 1972, en prévision d'une rencontre entre M. Trudeau et le président américain d'alors, Richard Nixon. Dans l'une d'elles, l'agence a observé que la pression se faisait croissante au Canada en faveur d'un contrôle des investissements étrangers - un thème dominant à l'époque - malgré un besoin continu de fonds additionnels pour favoriser le développement canadien.

Une décennie plus tard, la CIA a procédé à une analyse incisive des problèmes de l'économie canadienne à l'intention du représentant américain au commerce.

Le Canada n'aurait jamais constitué une cible principale des services du renseignement des États-Unis, mais il s'est de toute évidence retrouvé sur le radar américain une fois de temps en temps, a observé Wesley Wark, professeur d'histoire à l'Université de Toronto, qui a pris part en avril à une conférence sur l'histoire de la CIA et sa place dans la politique et la culture.

L'une des premières et plus poussées études menées par la CIA sur le Canada remonte à 1953, alors que l'agence s'est penchée sur des cartes de l'utilisation des terres, la vie animale, les ressources minérales, l'industrie, les équipements énergétiques et les installations de santé du pays, entre autres choses.