La météo a bien failli voler la vedette du grand spectacle de la Saint-Jean, vendredi soir au «lac Maisonneuve», comme l'a dit Guy A. Lepage, l'hôte de la soirée pour la troisìème année. L'humidité ambiante n'a toutefois pas démonté les milliers de spectateurs qui ont tenté de faire fuir les nuages en brandissant le fleurdelisé ni l'animateur, en verve comme toujours, ni sa grande famille de musiciens réunis sur scène pour chanter le Québec.

On serait tenté de faire des averses d'hier une métaphore pour les récents déboires du Parti québécois et, par la bande, du sentiment nationaliste. L'animateur, lui, s'y est risqué: «Si je me fie aux statistiques, il va pleuvoir d'ici la fin du show. Si je me fie aux statistiques, un député du PQ va démissionner d'ici la fin du show!», a dit Guy A. Lepage après un numéro d'ouverture bien musclé, en spécifiant qu'on peut toujours faire mentir les statistiques...

50 000 spectateurs

Selon les données fournies par les organisateurs, une foule estimée à 50 000 courageux spectateurs a bravé les intempéries pour assister au spectacle -cinq fois moins que l'année dernière. On s'en doute, les bottes et les imperméables étaient les accessoires mode les plus populaires de la soirée, presque à égalité avec les chapeaux bleus farfelus et les petits drapeaux du Québec. Aussi bien équipés, les spectateurs ont continué d'investir le parc au fur et à mesure que la soirée avançait.

On a cependant craint le pire quelques minutes avant le coup d'envoi, tant il pleuvait des cordes sur les têtes des fêtards et sur le sol boueux du parc Maisonneuve. Mais voilà, le ciel s'est ensuite retenu - même lorsque Lepage a chanté une première fois sur Engagement, de Charlebois, c'est dire comment la météo peut parfois être magnanime.

Le choix des chansons retenues a fait la part belle à un revenant des grandes festivités de la Saint-Jean, Robert Charlebois, qu'on n'avait vu sur une telle scène depuis plus de 10 ans.

Charlebois a offert le premier vrai moment d'émotion de la soirée lorsqu'il a mené l'hommage à son ami Claude Léveillée, disparu le 10 juin dernier, chantant Frédéric. Auparavant, toute la bande l'avait rejoint pour un généreux pot-pourri de ses classiques, Lindberg, Dolorès, Te v'là et autres Madame Bertrand.

Frisson collectif

Martha et son frère Rufus Wainwright ont offert le deuxième frisson collectif en entonnant, à la mémoire de leur regrettée mère Kate McGarrigle, Entre Lajeunesse et la sagesse et Complainte pour Sainte-Catherine. Autre moment précieux: à la toute fin de la soirée, Rufus est venu s'assoir tout près du piano de Robert Charlebois pour partager avec lui Je reviendrai à Montréal.    

Au frais, mais au sec, on a ainsi mieux profité des succès des frères Éric et Hugo Lapointe, de Charlebois et fils, Rufus et Martha, Marie-Pierre Arthur, Vincent Vallières, Damien Robitaille, Yves Lambert et la pétillante Brigitte Boisjoli, dont c'était sa toute première participation au grand spectacle de la fête nationale.

En début de spectacle, Éric Lapointe, «l'enfant chéri du Québec» dixit Lepage, a balancé Des hommes qui tombent, pour ensuite laisser la place à Vincent Vallières, qui a extrait de son répertoire les morceaux qui déménagent le plus, O.K. On part, Café Lézard et Le Temps passe. Le ton était donné.

Allusions politiques

Tout au long de la soirée, Lepage s'est permis quelques allusions politiques bien juteuses, égratignant au passage (mais gentiment) le maire Tremblay pour les nombreux chantiers de la métropole, Jean Charest et Stephen Harper pour le temps qu'ils ont mis avant de visiter les sinistrés des inondations en Montérégie. Il a, d'autre part, eu des mots respectueux à l'égard de l'ex-chef du Bloc Québécois Gilles Duceppe, lequel assistait au spectacle aux côtés de Pauline Marois et Louise Harel.

Faisant une entorse à la tradition du grand spectacle du 24 juin, les organisateurs ont choisi de ne pas tenir de discours patriotique. En lieu et place, Claude Gauthier a été invité à interpréter, dans le dernier droit de la soirée, la majestueuse Le plus beau voyage, manière de souligner le 40e anniversaire de la création de ce classique de la chanson québécoise.

Après le mémorable duo Charlebois-Wainwright, toute la bande s'est retrouvée sous les projecteurs pour reprendre à nouveau l'endiablée Mon pays ce n'est pas un pays c'est un job. Ce à quoi on répliquera qu'au terme de cette soirée de Saint-Jean réussie, la job de maître de cérémonies, on l'offrirait à Lepage encore l'année prochaine.