Le gouvernement provincial a assez attendu: il doit créer sans délai un mécanisme indépendant pour enquêter sur les interventions policières qui font des morts ou des blessés, selon la Ligue des droits et libertés, qui a lancé une campagne en ce sens, jeudi.

«Le gouvernement doit démontrer qu'il prend au sérieux son rôle, qui est d'assurer à toute personne d'être protégée contre les abus, en particulier les abus policiers», a dit Nicole Filion, coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés.

Plus de 20 organismes de la société civile ont adhéré à la déclaration de la Ligue des droits et libertés, dont la CSN et la Fédération des femmes du Québec. Le groupe espère obtenir d'autres appuis pour «faire bouger le gouvernement».

La sortie publique de la Ligue des droits et libertés survient au lendemain de la publication du rapport de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) sur le profilage racial, qui recommande entre autres la création d'un mécanisme d'enquête indépendant.

L'an dernier, le Protecteur du citoyen avait fait la même recommandation dans un rapport spécial, préoccupé par les risques de partialité du modèle actuel. Lorsqu'il y a mort d'hommes, l'enquête est présentement confiée à un corps de police externe.

La Ligue des droits et libertés est préoccupée par l'apparence de «partialité», le «manque de règles formelles» et l'«absence de transparence» du modèle québécois. L'organisme a souligné que, une fois l'enquête terminée, le Directeur des poursuites criminelles et pénales n'est pas obligé de rendre publique sa décision de ne pas retenir des accusations contre le policier.

«Il n'est plus question d'attendre», a dit Nicole Filion, soulignant le retard du Québec en la matière. L'Ontario, l'Alberta et la Saskatchewan ont déjà mis en place un mécanisme d'enquête indépendant, selon la Ligue des droits. Les gouvernements de la Nouvelle-Écosse, du Manitoba et de la Colombie-Britannique ont annoncé qu'ils le feront.

L'entité indépendante devrait être «impartiale» et composée uniquement d'enquêteurs civils, selon la Ligue des droits. En 2008, l'ombudsman de l'Ontario, André Marin, avait critiqué la forte présence d'anciens policiers dans les rangs de l'Unité des enquêtes spéciales, qu'il avait comparée à un «tigre édenté».

Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, poursuit sa «réflexion» sur le dossier, a indiqué son attaché de presse, Mathieu St-Pierre. «Le ministre a entièrement confiance au processus actuel, mais il y a toujours place à l'amélioration, et c'est sur quoi il travaille présentement», a-t-il dit.

De 1987 à 2008, 21 personnes sont mortes lors d'interventions policières sur l'île de Montréal, selon les chiffres de Me Alain Arsenault. Dix de ces personnes étaient membres de minorités visibles et leur moyenne d'âge était de 26 ans.