Ils habitent à Sainte-Anne-de-Sabrevois depuis 15, 20 ou 35 ans. Tous s'entendent pour dire que jamais ils n'ont vu pareille crue des eaux. Déclarée «zone sinistrée», cette petite municipalité de la Montérégie a vu plusieurs de ses résidences inondées. «Ici, c'est Venise-en-Sabrevois!», lance Louise Levesque.

Sur la rue Laberge, comme sur plusieurs autres rues de Sainte-Anne-de-Sabrevois, on ne circule pas en voiture, mais plutôt en chaloupe. «J'ai maintenant une marina chez moi», lance à la blague François Choinière, qui est resté debout pendant 22 heures vendredi pour veiller au bon fonctionnement d'une pompe installée par la municipalité.

À bord de sa chaloupe à moteur, il montre à La Presse l'étendue des dégâts. Située en bordure de la rivière Richelieu, la rue Laberge est totalement inondée. Les quelques résidences qui s'y trouvent sont isolées. Pourtant, aucun résidant n'a voulu être évacué. «Si on part et qu'une pompe arrête de fonctionner, c'est fini, explique Louise Levesque. L'eau va s'accumuler. C'est sûr que c'est juste des biens matériels, mais on a travaillé fort pour les obtenir.» Le sous-sol de Louise Levesque est jusqu'à maintenant épargné. Les quatre pompes installées pour évacuer l'eau suffisent à garder le sous-sol au sec. Mais, comme l'eau s'infiltre entre les murs, la maison pourrait ne pas s'en tirer sans dommages. «On évaluera les dégâts plus tard, dit Louise Levesque. Pour l'instant, on espère juste que l'eau arrête de monter. On se dit toujours que c'est le pire qu'on a vu, mais c'est toujours pire!»

L'eau continuait à monter samedi, mais la Sécurité civile prévoyait une stabilisation du niveau d'eau, voire même une légère baisse, dimanche. Mais le niveau pourrait repartir à la hausse lundi. «On prévoit des précipitations et des vents du sud, ce qui est problématique sur le lac Champlain, indique Éric Doneys de la Sécurité civile. L'eau risque encore de monter pour plusieurs jours.» Le Centre de prévision des crues du Québec indique que des niveaux d'eau très hauts, au-dessus des seuils d'inondations, sont possibles dans ce secteur au moins jusqu'à jeudi prochain.

1600 résidences touchées

Depuis le début des inondations le 23 avril dernier, plus de 1600 résidences ont été inondées dans dix municipalités situées entre le lac Champlain et Saint-Jean-sur-Richelieu. Les municipalités les plus touchées sont Saint-Jean-sur-Richelieu (700 résidences), Sainte-Anne-de-Sabrevois (350 résidences) et Saint-Paul-de-l'Île-au-Noix (200 résidences). Des centres de services aux sinistrés ont été mis en place par la Croix-Rouge dans quatre municipalités. Ils distribuent notamment de l'eau potable et offrent aux sinistrés la possibilité de prendre une douche. Un centre d'hébergement a également été mis en place à Henryville.

Or, rares sont les sinistrés qui veulent quitter leur maison, déplore Éric Doneys. «Même si on ne pense pas que la situation va beaucoup se détériorer, c'est un problème, reconnaît M. Doneys. Si ça empire, ce sera plus difficile d'aller chercher les gens et ça pourrait même être dangereux pour les équipes.» M. Doneys précise que des patrouilleurs de la Sûreté du Québec exercent une surveillance accrue contre le vol dans les zones sinistrées.

À Sainte-Anne-de-Sabrevois, seuls les occupants d'une douzaine de résidences ont quitté volontairement leur maison. «Les gens ne veulent pas laisser leurs biens, constate le maire de Sainte-Anne-de-Sabrevois, Clément Couture. Pour plusieurs, c'est leur fortune.»

Samedi matin, c'était toujours le branle-bas à l'hôtel de ville de cette petite municipalité de 2000 habitants. «Ce n'est pas facile pour une municipalité comme la nôtre où les ressources techniques sont peu nombreuses, remarque Clément Couture. Heureusement, on a des gens débrouillards.»

Le maire a démenti les informations voulant qu'une digue menaçait de céder sur la 7e avenue. «Les gens ont vu beaucoup de machinerie travailler sur la digue et se sont alarmés. Mais, ce sont seulement des travaux de prévention», a-t-il précisé. Les employés municipaux travaillent également d'arrache-pied pour sécuriser le réseau d'égouts.

Puisqu'ils résident dans une zone inondable, la plupart des sinistrés n'auront pas droit à une indemnisation de la part de leur compagnie d'assurances. Toutefois, les sinistrés de Sainte-Anne-de-Sabrevois, comme ceux de 37 autres municipalités touchées, pourront bénéficier du Programme général d'aide financière lors de sinistres mis en place par le gouvernement du Québec.

Rappelons que le lac Champlain a atteint cette semaine un niveau jamais vu depuis 1869.