Il avait un accent européen, aimait assister aux parties des Red Sox de Boston au Fenway Park et connaissait Paris par coeur.

Le seul élément vraiment canadien chez le présumé espion Donald Heathfield était un faux certificat de naissance ontarien découvert dans un coffret de sûreté par le FBI.

Heathfield et sa femme, Tracey Lee Ann Foley, se retrouvent parmi le groupe de présumés espions - dont trois prétendent être canadiens - accusés par les autorités américaines d'avoir établi un réseau de renseignement à la solde de la Russie.

Un quatrième suspect prétendument canadien, Christopher Metsos, a disparu mercredi sur l'île de Chypre après qu'un juge lui eut accordé une liberté sous caution.

Le gouvernement canadien ne s'exprime presque pas sur cette affaire, mais Passeport Canada enquête présentement sur un possible abus de documents d'identification.

Si les allégations du FBI sont fondées, Heathfield et Foley agissaient selon un plan d'action connu pour être utilisé par le SVR, le descendant du KGB: s'établir d'abord au Canada, avant de franchir la frontière canado-américaine vers leur cible principale.

Le couple a vécu dans la région de Boston pour la dernière décennie. Il s'y est installé après une année mémorable passée à l'Université Harvard, avec d'autres individus en milieu de carrière venus des quatre coins du monde.

«Don et Ann», comme ils se faisaient appeler, projetaient l'image d'un couple sophistiqué, mais charmant et extrêmement sociable. Ils parlaient tous deux avec un accent qui semblait teinté par le français, avec un soupçon d'une langue est-européenne. Deux enfants sont nés et ont grandi dans cette famille petite-bourgeoise.

Avant de déménager à Cambridge au Massachusetts, Heathfield a obtenu un baccalauréat en économie internationale de l'Université York, à Toronto. Le couple a vécu au-dessus d'un salon de beauté dans un appartement de l'ouest de la ville.

Aujourd'hui, leurs anciens collègues de classe à Harvard réalisent à quel point ils en savaient peu sur la vie du couple avant la prestigieuse université.

«Je n'ai jamais pensé qu'il était canadien, mais plutôt français», se remémore Craig Sandler, qui dirige le service de presse de la Chambre législative du Massachusetts après être passé par Harvard en même temps que le couple. «Il connaissait Paris de fond en comble.»

M. Sandler se souvient que Heathfield lui avait donné d'excellentes recommandations très précises pour un séjour dans la capitale française. En retour, il lui avait offert des billets pour aller assister à une partie de baseball à Fenway Park.

«Il connaissait les bons vins, il connaissait les bons scotchs. Il sélectionnait tout et pouvait en parler. Il connaissait les vins français et la France», évoque Mark Podlasly, de Vancouver, un autre ancien collègue de classe.

«Il m'a confié - et il ne l'a pas dit aux autres dans la classe - que son père était un diplomate canadien. Il avait été envoyé dans un pensionnat tchèque, ce qui aurait expliqué ce bizarre accent est-européen.»

La classe à Harvard comprenait plusieurs dizaines de nationalités, et Heathfield avait organisé un évènement avec ses collègues du Canada pour célébrer les scotchs canadiens. Celui qui est maintenant accusé par le FBI recommandait ses produits favoris.

«Il était celui qui avait eu l'idée. «Nous devons faire quelque chose pour célébrer le Canada, nous devons célébrer les Canadiens!', ce qui est ironique à présent», se souvient M. Podlasly.

Malgré cet élan patriotique, Heathfield répondait à toute question sur sa vie au Canada en utilisant un jargon économique ou lançait des histoires circulaires qui ne menaient nulle part, selon son ancien collègue.

En huit ans, M. Podlasly n'a jamais vu un ami ou un membre de la famille de Heathfield venir le visiter du Canada.