Voyant que le gouvernement conservateur maintient le cap vers l'abolition d'une partie du registre pancanadien des armes à feu, le ministre québécois de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, s'est lui-même déplacé à Ottawa, jeudi, afin de plaider pour qu'il soit maintenu dans son intégralité.

Il est rare qu'un ministre québécois témoigne devant un comité parlementaire de la Chambre des communes.

Mais même en personne devant le comité permanent sur la sécurité publique et nationale -qui se penche actuellement sur le projet de loi conservateur C-391 qui cherche à abolir l'enregistrement des armes d'épaule- le ministre ne semble pas avoir convaincu les députés conservateurs qui y siègent.

Pour bien montrer qu'il a le Québec derrière lui, M. Dupuis s'est déplacé à Ottawa avec toute une délégation et a rappelé que l'Assemblée nationale a adopté trois motions unanimes d'appui au maintien d'un registre des armes à feu à travers le pays.

À cela, le sénateur conservateur Pierre-Hughes Boisvenu, qui a fait valoir la position du gouvernement fédéral à ce sujet jeudi, a répliqué que si le Québec tient tant à ce registre, il n'a qu'à avoir le sien.

«Est-ce qu'on frappe un mur pour avoir une adhésion nationale au registre des armes à feu?», a demandé M. Boisvenu, expliquant que l'est du pays souhaite son maintien alors que l'ouest cherche son abolition.

Il dit ainsi se rallier à la position du Parti québécois, qui demande au ministre Dupuis de rapatrier la portion québécoise du registre pour que le Québec exerce le plein contrôle de ce dossier.

«Je cherche un compromis et c'est le compromis le plus intéressant», a fait valoir M. Boisvenu.

Un compromis suggéré, aussitôt rejeté par Jacques Dupuis qui estime qu'un tel registre provincial ne serait pas aussi utile.

«Le registre pancanadien est efficace et essentiel. Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'il est plus efficace qu'un régime québécois, les armes et les individus traversant les frontières. On fait une meilleure trace des armes. Un registre québécois va enregistrer juste les armes du Québec et celles des autres provinces, on va les perdre», a-t-il expliqué.

Jacques Dupuis s'est d'ailleurs fait mettre sous le nez par le député conservateur Brent Rathgeber que le Québec est incohérent dans ses prises de positions puisque dans un autre dossier, il a traîné en cour le gouvernement fédéral qui veut mettre sur pied une autorité réglementaire pancanadienne, une situation décriée par le gouvernement de Jean Charest qui estime qu'Ottawa joue dans ses plates-bandes.

«S'il y a une province qui protège jalousement ses droits constitutionnels, c'est la vôtre, a-t-il lancé à Jacques Dupuis. Vous devez savoir que le gouvernement du Québec a amené le gouvernement fédéral en cour pour sa proposition de commission nationale des valeurs mobilières», a fait remarquer Brent Rathgeber.

Pierre-Hughes Boisvenu a aussi laissé entendre que si le Québec et le Bloc québécois souhaitent que le registre des armes à feu soit pancanadien, c'est pour que le fédéral en assume les coûts.

Le ministre de la Sécurité publique a aussi indiqué qu'il souhaite faire front commun avec toutes les associations de policiers qui ont déjà témoigné devant le comité pour le maintien intégral du registre des armes à feu.

Pour répondre aux regroupements de chasseurs qui militent contre l'enregistrement des armes d'épaule, Jacques Dupuis a argumenté que la paperasse impliquée dans le processus n'a aucune commune mesure avec les bénéfices pour la société qui découlent du registre.

«Cela m'attriste que le simple fait qu'ils [les chasseurs] soient obligés d'enregistrer une arme à feu, les frustrent ou qu'ils se sentent lésés ou jugés, cela n'est pas le cas. Je comprends qu'il y a une tracasserie, un embêtement (...) Mais de l'autre côté, il y a la protection de la vie humaine», a-t-il déclaré.

«Avoir un casier judiciaire parce qu'on a fait une erreur technique, pour moi ce n'est pas juste une tracasserie, peut-être pour vous, M. Dupuis, mais pas pour moi», a rétorqué Alain Cossette, directeur général de la Fédération des chasseurs et pêcheurs du Québec, qui a aussi témoigné au comité pour demander la fin de l'enregistrement des fusils de chasse.