Le négociateur malien ayant permis la libération des deux diplomates canadiens relâchés en avril dernier, après plus de quatre mois dans les geôles sahariennes d'Al-Qaeda, accuse le Canada de ne pas avoir honoré ses promesses de rétribution, dans une interview publiée lundi.

Homme d'affaire fortuné et maire de la commune de Tarkint, située dans la région de Gao, dans l'est du Mali, Baba Ould Sheik est présenté par le Globe and Mail comme «l'homme de l'ombre» ayant rendu possible la remise en liberté de Robert Fowler, envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU pour le Niger, et de son collègue Louis Guay, tous deux enlevés en décembre 2008, à l'ouest de Niamey. Les agents du gouvernement canadien impliqués dans ces longues tractations «m'ont promis beaucoup de choses, mais à ce jour, je n'ai pas eu un morceau de papier du Canada pour me remercier», a-t-il déclaré au quotidien de référence, soulignant avoir transmis à MM. Guay et Fowler du matériel d'urgence remis par les représentants d'Ottawa, notamment des médicaments et des vêtements.

Depuis qu'il a permis la libération de 14 otages européens, en 2003, M. Ould Sheik est devenu incontournable pour ce genre d'affaires dans le désert malien, si bien que le président malien Amadou Toumani Touré lui a demandé à trois reprises d'accepter de prendre la tête des négociations, raconte le journal de Toronto.

Acceptant finalement en janvier, M. Ould Sheik forme une délégation de huit dignitaires de la région de Gao, en proie aux trafics et à l'insurection des Touaregs.

«Les Canadiens m'avaient dit que puisque j'ai employé beaucoup de personnes dans les négociations, et beaucoup de véhicules, ils feraient un geste pour tout le monde. Mais ce n'est jamais arrivé et cela a causé un conflit entre nous», a-t-il indiqué. Les autres négociateurs «croient que j'ai reçu quelque chose et que je ne leur ai rien donné».

Rencontrer la cellule d'Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi) qui détenait les diplomates fut harassant. Il fallait parfois rouler des journées entières à travers le désert, parfois jusqu'à la frontière algérienne, à quelque 700 km au nord de Gao, pour rejoindre un endroit où, au bout de trois ou quatre jours, quelqu'un venait porter un numéro de téléphone à composer afin de savoir où et quand une rencontre aurait lieu.

Et une fois le contact établi, les négociations avec les ravisseurs n'étaient pas simples. «Parfois il fallait que je leur explique que ce qu'ils demandaient n'était pas possible. Parfois j'ai dû les implorer d'accepter ce que nous offrions», a-t-il poursuivi.

S'entretenant régulièrement avec le chef des preneurs d'otages, l'Algérien Moctar Ben Moctar, l'un des dirigeants d'Al-Qaeda au Maghreb, Baba Ould Sheik souligne qu'au début, les ravisseurs voulaient beaucoup d'argent. Ce n'est que plus tard qu'ils ont été «obsédés» par la libération de plusieurs membres d'Al-Qaeda emprisonnés au Mali.

Les soupçons d'échanges de prisonniers ont été ravivés samedi avec la publication, par le Globe and Mail, d'un article affirmant que les deux diplomates canadiens avaient été libérés grâce à la remise en liberté de quatre membres d'Al-Qaeda, dont un fabricant de bombe, ainsi que du versement d'une importante somme d'argent.

L'un d'eux est mort dans un accident de voiture lors du transfert et les trois autres hommes libérés sont mauritaniens, affirmait dans cet article Baba Ould Sheik.

Le Canada, qui a démenti un tel accord, se serait attiré les foudres de l'Algérie et du Royaume-Uni, Londres accusant Ottawa d'avoir «trahi les conventions internationales», selon le Globe and Mail.