Le gouvernement s'est retrouvé dans les câbles hier; le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, et le patron d'Investissement Québec, Jacques Daoust, sont restés souvent sans réponse devant la longue liste de cas douteux relevés dans les investissements des Fonds d'intervention économique régionaux (FIER) par l'opposition péquiste et adéquiste.

À un point tel que les deux hommes d'affaires éclaboussés par la controverse, Pietro Perrino et Valier Boivin, les fondateurs du FIER Ville-Marie, ont indiqué hier à La Presse qu'ils souhaitaient venir expliquer eux-mêmes en commission parlementaire ces investissements en capital de risque, des «opérations trop complexes pour la joute politique».

 

Hier, en commission parlementaire, de nouveaux constats étonnants de l'opposition sur la gestion de ces 44 fonds d'investissement régionaux, où Québec a investi 318 millions de dollars en capital de risque, ont mis dans l'embarras le ministre Bachand, qui a constamment renvoyé la balle à Investissement Québec. «Il se lave constamment les mains, il passe la puck à d'autres. Si j'étais ministre et que de telles questions étaient soulevées, je peux vous dire que j'y répondrais moi-même», a lancé M. Legault, critique péquiste aux Finances. Il fait fi de la mise en demeure que lui a transmise Pietro Perrino: «Il y a apparence de conflit d'intérêts quand on est des deux côtés de la clôture!»

La veille, à l'Assemblée nationale, le ministre Bachand avait servi une réplique virulente aux allégations de l'opposition. Mais ses explications, soigneusement rédigées, étaient loin de la réalité, a-t-on appris hier en commission parlementaire.

«On parle de ça au moment où on a une crise économique à nos portes... On met 200 millions de dollars pour partir du capital de risque, comme cela se fait partout ailleurs dans le monde», a expliqué le ministre Bachand. Les deux tiers des fonds des FIER viennent des deniers publics.

François Legault a fait valoir que, contrairement à ce qu'avait soutenu la veille le gouvernement, le FIER Ville-Marie avait investi dans deux compagnies dont Pietro Perrino et Valier Boivin étaient actionnaires ou administrateurs: System Bus et Zoommed. MM. Perrino et Boivin ont aussi créé en janvier 2006 le FIER Ville-Marie.

Ce fonds a acheté 5 millions d'actions de Zoommed, et M. Boivin n'a pas mentionné au conseil qu'il pouvait se trouver en conflit d'intérêts, a indiqué hier la direction d'Investissement Québec, qui, la veille, avait soutenu que toutes les règles avaient été respectées. M. Boivin affirme qu'il n'avait pas de déclaration à faire; il n'était pas administrateur, mais seulement actionnaire de Zoommed. Pour François Legault, on devrait réduire au minimum, à «de vraies exceptions», les cas où les dirigeants des FIER investissent dans des entreprises dont ils sont administrateurs.

Pour François Legault, il est pour le moins étrange que deux FIER aient consenti neuf investissements précisément dans des compagnies dont MM. Perrino et Boivin sont administrateurs ou actionnaires. Les deux hommes se trouvent aussi au conseil d'administration du FIER Boréal 2 au Saguenay, qui a investi plus de 2 millions dans les entreprises montréalaises de MM. Perrino et Boivin. En fait 3,5 des 6 millions du FIER Boréal sont investis en dehors de la région du Saguenay, en dépit de la règle qui veut qu'au moins 50% de l'argent reste dans la région.

MM. Bachand et Daoust n'ont pu préciser quelles retombées avait apporté dans la région un investissement de 2 millions dans la firme Bureau canadienne d'investigation, dirigée par Luigi Coretti et établie à Montréal - Investissement Québec la comptabilisait dans les investissements locaux. Placé sur la sellette M. Daoust a indiqué que son organisme avait seulement deux fonctionnaires pour surveiller ces FIER.

Le député adéquiste François Bonnardel a renchéri quand il a relevé que cette même firme, propriété d'un donateur à la caisse libérale, avait bénéficié aussi de l'investissement maximum de 1 million dans trois autres FIER: ceux de l'Estrie et de Laval ainsi que le FIER spécialisé CPVC. En Estrie, les règles d'Investissement Québec sont bafouées, 70% des fonds sont investis dans d'autres régions. M. Daoust a produit une lettre pour monter qu'on les avait rappelés à l'ordre mais n'a pu expliquer pourquoi d'autres fonds délinquants n'avaient pas eu cette mise en garde. «M. Daoust nous avait dit qu'aucune règle n'avait été enfreinte» a souligné le député Bonnardel.

Autre fait troublant trouvé par l'ADQ, le FIER Estrie a mis 1 million de dollars dans le financement de Groupe Fox, une compagnie qui a pignon sur rue à Halifax, et dont les administrateurs se trouvent en Californie et en Virginie. Retombées de l'investissement: zéro emploi.