L'ancien vice-président de Bear Head Industries, Greg Alford, avait une bonne et une mauvaise nouvelle pour Brian Mulroney dans son témoignage de mardi à la commission d'enquête Oliphant.

Si cette déclaration semble mettre du plomb dans l'aile dans la version des faits de l'ancien premier ministre, M. Alford lui a aussi donné quelques munitions, au cours d'un témoignage qui a duré près de quatre heures.  L'homme d'affaires a indiqué qu'à l'automne 1994, des fonctionnaires du ministère de l'Industrie avaient insisté pour ne pas exclure de pays comme la Russie et la Chine des scénarios d'exportation qu'ils développaient avec Bear Head en vue de la construction d'une usine de véhicules blindés légers à Montréal.

«Ils nous ont dit: «Nous pourrions étendre nos projections et identifier l'ensemble du marché international brut, sans se préoccuper de quels sont les marchés accessibles, et ensuite travailler à partir de cela»», a déclaré M. Alford à une question de l'un des avocats de la commission, Evan Roitenberg.

La commission d'enquête Oliphant cherche à découvrir pourquoi Karlheinz Schreiber a versé entre 225 000$ et 300 000$ à Brian Mulroney dans des chambres d'hôtel de Montréal et de New York entre août 1994 et novembre 1995.

Brian Mulroney affirme qu'il s'agissait d'une rémunération pour des services de lobbying auprès de dirigeants internationaux pour les véhicules de Bear Head. Lors de son témoignage au comité parlementaire de l'éthique, en décembre 2007, il a dit avoir contacté des dirigeants chinois et américains, de même que l'ancien président français François Mitterrand et l'ancien président russe Boris Eltsine. Il a précisé que sa rencontre avec le président Eltsine avait eu lieu à l'été 1994.

Mais M. Schreiber est catégorique: jamais il n'aurait été possible à l'époque de vendre des véhicules militaires bâtis au Canada à la Chine ou à la Russie.

Or, il semble que des fonctionnaires du ministère de l'Industrie du Canada y aient à tout le moins songé.

Greg Alford a rappelé qu'à l'époque, la situation politique internationale évoluait rapidement. «Des pays se joignaient à l'OTAN alors qu'ils avaient été perçus comme des adversaires de l'OTAN», a-t-il noté.

Quant à sa connaissance d'un mandat confié à Brian Mulroney, il a précisé qu'il n'en aurait pas nécessairement été avisé. Il a toutefois noté que le lobbying étranger tombait sous la responsabilité de la compagnie mère, Thyssen. Or, celle-ci a déjà déclaré qu'elle n'avait jamais embauché Brian Mulroney.

Témoignage reporté

La commission a entendu deux autres témoins, hier. L'ancien adjoint de Brian Mulroney, Paul Smith, est venu décrire comment il était allé reconduire Karlheinz Schreiber au lac Harrington, le 23 juin 1993, pour une rencontre clé avec l'ancien premier ministre et le lobbyiste Fred Doucet.

L'ancien sous-ministre de l'Industrie vers la fin des années 1980, Harry Swain, a quant à lui brièvement parlé de son opposition au projet. Il a aussi mentionné son importance pour certains politiciens de même que pour le bureau du premier ministre, mais il n'est pas entré dans les détails. Il sera à la commission à nouveau ce matin.

Par ailleurs, un témoignage qui devait avoir lieu aujourd'hui, celui d'Elmer MacKay, a été reporté.