«Nous sommes très inquiets. On ne veut pas être trop dramatique sans savoir vraiment ce qui s'est passé, mais nous l'aimons beaucoup.» L'homme qui s'inquiète ainsi s'appelle Robert Asselin, il est le directeur de l'École supérieure d'études publiques et internationales (ESAPI) à l'Université d'Ottawa. Robert Fowler, le diplomate canadien qui a disparu dimanche au Niger, y tenait le rôle de «professionnel à résidence» depuis un an. Selon Robert Asselin, le vieux routier de la diplomatie s'acquitte de ce rôle avec une grande générosité. «Il prend toujours son temps avec les étudiants, il veut donner à la génération émergente le goût de l'aventure mondiale.» Pour ses collègues, Robert Fowler est une source inestimable d'informations. «Il était là sous Trudeau, puis sous Mulroney et Chrétien. Il connaît l'Afrique sur le bout de ses doigts, il connaît tous les grands de ce monde «, souligne Robert Asselin.

Âgé de 64 ans, Robert Fowler a roulé sa bosse sur toute la planète. Sous-ministre à la Défense au début des années 90, il a représenté le Canada aux Nations unies, puis en Italie. Au fil de sa carrière, il a agi comme conseiller en politique étrangère dans trois gouvernements. Ceux qui l'ont connu n'hésitent pas à puiser dans les superlatifs. «C'est un de nos meilleurs diplomates, et même un de nos meilleurs hauts fonctionnaires «, dit Jocelyn Coulon, directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix. Aux Affaires étrangères , Robert Fowler s'est fait remarquer par son intérêt pour l'Afrique. «Il a toujours été préoccupé par les questions de paix et de sécurité, et pas seulement en Bosnie ou sur les autres fronts qui intéressent traditionnellement les pays occidentaux «, dit Jocelyn Coulon.

Michel Fortmann, politicologue à l'Université de Montréal, se rappelle de Robert Fowler à l'époque où il venait donner des conférences à ses étudiants pour parler de la Défense. Le sujet était peu populaire chez ces jeunes de tendance plutôt pacifiste. Mais M. Fowler réussissait à fasciner son auditoire. «Il n'utilisait jamais la langue de bois.» Sa longue expérience n'a pas émoussé la passion professionnelle de Robert Fowler. «Une fois, il a dit à mes étudiants qu'il ressent encore des frissons à la lecture de la Charte de l'ONU. Il est toujours très idéaliste», dit Robert Asselin. Louis Guay, le diplomate qui accompagnait Robert Fowler lors de la mission au Niger, a lui aussi la passion de l'Afrique. Originaire de Québec, il a vécu trois ans au Cameroun, dans le cadre d'un projet de formation professionnelle. Il a servi à Mexico, Athènes, Caracas, Kinshasa. «C'est un homme plus exubérant que Robert Fowler. Il pilote le groupe de travail sur le Soudan, ce qui est une tâche très délicate «, note Jocelyn Coulon, qui l'a connu au Centre Pearson d'études sur la paix.