La chute de la valeur des permis de taxi que prédisaient les chauffeurs est bien réelle. Un mois avant l'entrée en vigueur du projet-pilote d'Uber, les permis de taxi se négociaient autour de 135 000 $ à Montréal.

Il y a cinq ans, le même permis pour le territoire du centre-ville de Montréal se vendait autour de 190 000 $. Une transaction avait même atteint 245 000 $ en janvier 2012, selon des données de vente de la Commission des transports, obtenues grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

«Investir là-dedans de nos jours, c'est de la folie furieuse», lance D.M., un chauffeur haïtien qui a vendu son permis pour à peine 115 000 $ en septembre dernier. Malade, l'homme de 64 ans, qui a demandé d'être identifié seulement par ses initiales, s'est empressé de vendre à la première offre. Il avait payé son permis 55 000 $ dans les années 80.

Gail Salmanovitch, une Montréalaise qui possède en tout 18 permis de taxi, a quant à elle vendu un permis 138 000 $ à la fin septembre. Elle louait auparavant sans difficulté ses voitures à des chauffeurs non propriétaires pour 525 $ par semaine. 

«Le problème, c'est qu'il est de plus en plus difficile de trouver des chauffeurs prêts à payer ces montants. Plus personne ne veut être chauffeur de taxi», affirme Mme Salmanovitch.

Selon elle, qui garde un oeil actif sur le marché, le prix des permis s'est stabilisé autour de 125 000 $ ces dernières semaines. «L'arrivée d'Uber nous a fait un immense tort et le gouvernement ne fait rien pour nous aider», dénonce la propriétaire.

Michael Siroky, figure connue du milieu du taxi, qui possède aussi une vingtaine de permis, abonde dans le même sens. Il s'est départi de deux permis pour 140 000 $ chacun juste avant l'entrée en vigueur du projet-pilote d'Uber. «J'ai vendu parce que je n'arrive pas à trouver de bons chauffeurs. Il n'y a plus personne qui veut faire ce métier», dit-il. 

Son garage, situé rue Sainte-Catherine, a connu des heures plus glorieuses. L'homme d'affaires a récemment dû remercier un employé qui assurait le nettoyage du parc de taxis. Ses chauffeurs, qui sont les mêmes à louer des voitures depuis plusieurs années, sont tous relativement âgés. «C'est le club de l'âge d'or, ici», blague M. Siroky. Celui qui dit être «venu au monde dans le commerce du taxi» se demande maintenant ce qu'il va faire de ses permis. «Est-ce que je vais laisser un cadeau empoisonné à ma famille?», se questionne-t-il.

Pour un mécanisme de rachat

Pour Benoît Jugand, porte-parole du Regroupement des travailleurs autonomes Métallos, cette situation témoigne de l'urgence qu'un système de rachat de permis soit créé par Québec. Avec la mise en place du projet-pilote d'Uber, le gouvernement a annoncé qu'une partie des redevances récoltées en taxe sur chaque course avec UberX doit servir à moderniser l'industrie du taxi. Le ministère des Transports souhaite créer un forum de discussion sur la question au cours des prochaines semaines. «Ça fait des mois qu'on parle d'un mécanisme de rachat, mais rien ne se fait. Ça démontre à quel point le gouvernement se soucie peu des chauffeurs de taxi», croit M. Jugand.

À Laval, la chute de la valeur du prix des permis a été moindre qu'à Montréal : la dernière transaction enregistrée en septembre s'est faite à 263 000 $, alors que le prix tournait autour de 270 000 $ en 2012.

À Longueuil, le prix oscillait en août et septembre entre 125 000 $ et 135 000 $, alors qu'il avait atteint jusqu'à 162 000 $ en 2012.

- Avec William Leclerc, La Presse

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Les plus basses transactions enregistrées avant le début du projet-pilote d'Uber :

• Montréal, zone A11 : 115 000 $

• Laval, zone A8 : 228 500 $

• Longueuil, zone A2 : 115 000 $

Valeur moyenne maximum des permis (moyenne annuelle)

• Montréal, zone A11 : 213 927 $ en 2007

• Laval, zone A8 : 274 350 $ en 2015

• Longueuil, Zone A2 : 169 533 $ en 2010

Source : Commission des transports du Québec