Loin, très loin du chiffre de 30 000 sans-abri qui circulait depuis deux décennies, le dénombrement effectué en mars dernier dans les rues de Montréal avance plutôt qu'il y a 3016 personnes en situation d'itinérance dans la métropole.

Le rapport officiel du dénombrement, le tout premier réalisé à Montréal, a été rendu public aujourd'hui par le maire Denis Coderre ainsi que par le Mouvement pour vaincre l'itinérance de James McGregor et le chercheur de McGill Eric Latimer, qui ont tous deux orchestré l'imposante opération de recensement.

D'autres données sont disponibles dans ce rapport, notamment que 76% des personnes en situation d'itinérance sont des hommes et même 93 % chez ceux qui dorment à l'extérieur. De même, 44 % sont nés à Montréal et 16 % sont nés ailleurs au Québec.

Les autochtones sont surreprésentés dans ces statistiques. En fait, 10 % des personnes ainsi dénombrées sont autochtones, alors qu'ils ne représentent que 0,56 % de la population.

Les Inuits aussi sont surreprésentés, puisqu'ils représentent 40 % des autochtones en situation d'itinérance.

Et, à l'inverse, les immigrants représentent 10 % des personnes dénombrées, alors qu'ils représentent 33,2 % de la population de Montréal.

La Ville a alloué un budget de 250 000$ à l'opération.

Pas moins de 800 bénévoles avaient arpenté les rues de Montréal dans la soirée du 24 mars dernier. Les bénévoles devaient demander à chaque personne rencontrée si elle avait un endroit pour passer la nuit. Des opérations semblables se déroulent à intervalles réguliers dans plusieurs villes canadiennes et américaines.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, a souligné que cette recherche permettra de mieux comprendre la réalité de l'itinérance et d'adopter des mesures plus efficaces pour l'endiguer. Le dénombrement permettra également de savoir si le phénomène est en croissance ou non.

Dans son plan d'action, le maire Coderre prévoit ensuite nommer un Protecteur des personnes en situation d'itinérance. Celui-ci devra veiller à évaluer les mesures qui seront mises en place pour leur venir en aide. Il pourra aussi formuler des recommandations pour améliorer les services et les façons de faire.

Réagissant à ce premier dénombrement officiel des personnes itinérantes, le RAPSIM s'est dit «très critique» de ces données. Le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) affirme que cela «est loin de représenter un portrait fidèle de la situation actuelle».

«Il est faux de penser qu'on aura une vision d'ensemble du phénomène avec ce premier dénombrement», a commenté Bernard St-Jacques, du RAPSIM, par voie de communiqué.

Une première mesure

Ce dénombrement est la première mesure du Plan d'action montréalais en itinérance, rendu public l'automne dernier par le maire Denis Coderre. Depuis près de 20 ans, le nombre de sans-abri demeurait flou: on utilisait fréquemment le chiffre de 30 000 itinérants, qui était inclus dans une étude de 1995.

L'étude de la chercheuse Louise Fournier montrait plutôt que 30 000 personnes différentes avaient utilisé les services de refuges, de centres de jour ou de soupe populaire au moins une fois au cours de l'année.

C'est pour mettre fin à ce flou que le maire Coderre a ordonné la tenue d'un grand dénombrement. «Le manque de données fiables nuit à la planification. Il faut documenter la chose», avait déclaré le maire en septembre dernier.

Le RAPSIM s'opposaient dès le départ à un tel exercice. «On va passer à côté de l'itinérance cachée, des squatteurs, des gens qui se louent un trois et demi à 12 et qui sont très à risque d'itinérance», avait déclaré Marjolaine Despars, du RAPSIM, en septembre dernier.

Pourtant, d'autres sources, qui connaissent très bien le milieu de l'itinérance, estiment que ce chiffre de 3016 est «encore surévalué». En septembre dernier, la chercheuse Louise Fournier estimait dans nos pages que le nombre de sans-abri chroniques ne dépassait pas 1000 personnes.

À Montréal, 1100 lits sont disponibles en établissement d'urgence dans 34 établissements. Au total, ces établissements ont offert 267 000 nuitées. Le taux d'occupation des refuges tourne autour de 80%.

Québec fait confiance aux données de Montréal

Pour la ministre déléguée à la Santé, Lucie Charlebois, la Ville de Montréal brosse un tableau exact de la situation des itinérants de la métropole, dont le nombre est de 3016.

«Je n'ai pas d'évaluation quantitative, mais je fais confiance à la Ville de Montréal», a-t-elle dit, relevant que de nombreux fonctionnaires avaient été mandatés pour faire ce décompte. Québec dispose lui d'une étude qui examine davantage le profil de cette population. Le maire de Montréal rendait public ce matin le rapport préparé par la ville sur la situation. On propose de créer un poste d'ombudsman pour les itinérants dans le cadre d'un plan d'action sur trois ans.

«Qu'il y en ait 4000 ou 4002, l'important est d'agir. On a ajouté 4,6 millions aux 8,1 déjà existants, on a déployé un plan d'action. L'itinérance ne se développe pas en une journée. Cette désaffiliation arrive à plusieurs séquences de notre vie, il y a des raisons, de l'enfance à la retraite, il faut suivre le cheminement des personnes».

L'itinérance frappe désormais un peu partout au Québec. «On a plus de femmes, d'autochtones», relève-t-elle.

- Avec Denis Lessard à Québec et La Presse Canadienne

Combien y a-t-il de sans-abri...

• ... à Calgary : 3533, selon le dénombrement réalisé en janvier 2014

• ... à Toronto : 5253, selon le dénombrement réalisé en avril 2013

• ... à Vancouver : 1803, selon le dénombrement réalisé en mars 2014

• ... à New York : 3357, selon le dénombrement réalisé en 2014