L'échangeur Turcot est moribond, l'autoroute Ville-Marie est malade, le pont Mercier est en convalescence, les ponts de Laval sont en réparations. Même si l'autoroute Métropolitaine semble mieux tenir le coup, malgré ses 53 ans et les 200 000 véhicules qui l'utilisent quotidiennement, elle est fatiguée. Très fatiguée.

La lumière grise qui pénètre sous les structures routières donne aux colonnes une allure souillée et accentue la couleur jaunâtre du dessous de la dalle, qui est couverte de grandes taches de rouille et de sel. L'impression de décrépitude générale est amplifiée par la présence de plusieurs grilles de métal rivées à la structure, sous lesquelles on perçoit des trous.

Des plaques d'une couleur laiteuse sous la dalle témoignent de travaux de bétonnage récents, comme un pansement adhésif sur une fracture ouverte. Au pied d'un pilier couvert de fissures et de signes tracés à la craie bleu ou orange git un tas de morceaux de béton fraîchement détachés de la colonne, qui laisse voir une barre d'armature en acier rouillée.

Selon le rapport d'inspection générale de cette structure de l'autoroute Métropolitaine qui surplombe l'avenue Musset, dans l'est de Montréal, des réseaux de fissures parcourent le béton des côtés extérieurs, des piles et des grandes dalles de béton sous la structure.

Le rapport daté de novembre dernier mentionne aussi, et ce, à de nombreuses reprises, que ces éléments de la structure sont affligés de «défauts de matériaux pouvant réduire de façon importante leur capacité à supporter les charges.»

La même mention des «défauts de matériaux» revient dans six autres rapports d'inspections générales réalisées à l'automne de 2012 sur les structures de la Métropolitaine qui surplombent les boulevards Provencher, Pie-IX et Saint-Michel, ainsi que les 15e et 18e Avenue, dans l'est de Montréal. La portion de l'autoroute qui surplombe l'avenue Sainte-Croix, dans la municipalité de Mont-Royal, souffre des mêmes maux.

Pas les pires

Ces structures ne sont pourtant pas les plus endommagées et les plus mal en point sur le parcours de l'autoroute, considérée comme la colonne vertébrale du réseau routier supérieur, non pas de Montréal, mais de l'ensemble de la région métropolitaine.

Selon les données regroupées sous la section des «ponts et structures» sur le site internet du ministère des Transports du Québec (MTQ), cinq des ponts en béton armé qui forment la portion surélevée de l'autoroute et trois de ses voies d'accès ou de raccordement avec le réseau routier local «nécessitent des travaux majeurs» en vertu de l'indice de condition générale (ICG) de «2» attribué par le ministère, après inspection.

Là encore, toutes ces structures sont situées sur la partie est de l'autoroute entre l'intersection de la rue Saint-Hubert et celle de la 19e Avenue (voir 8 structures).

Selon le site du ministère, 27 autres structures routières, portant un ICG de «3», comme le pont de l'avenue Musset, «nécessitent des réparations».

Au total, 35 des 51 structures formant la partie surélevée de l'autoroute Métropolitaine, entre le boulevard Provencher et l'autoroute 520, devront faire l'objet de «réparations» ou de «travaux majeurs».

Seulement 16 des structures de la «Métro» répertoriées par le MTQ «ne nécessitent aucune intervention». Elles sont situées en majorité entre les échangeurs Décarie et des Laurentides, où le MTQ a réalisé depuis trois ans plusieurs grands chantiers de réaménagement.

Dalles et piles fissurées

Des 51 structures - toutes du même type, des ponts à dalle évidée en béton armé - 37 font l'objet de rapports d'inspection. Les 14 autres sont décrites sur des fiches d'identification qui précisent leur indice de condition générale. La moitié d'entre elles «nécessite des réparations», mais aucun rapport d'inspection ne documente leurs déficiences ou dommages respectifs.

Les dégâts sur les structures situées à l'est de la rue Saint-Hubert sont les mieux documentés, et les plus visibles. Le long du pont qui enjambe la 18e Avenue apparaît un énorme trou dans le béton qui laisse voir des barres d'acier rouillées. Un long rang de barres d'acier rouillées s'étire vers la droite.

Au sujet d'une des structures voisines, au-dessus de la 15e Avenue, un rapport d'inspection daté d'octobre 2012 souligne «des défauts majeurs, principalement sur les colonnes E, F, G et H». Selon le rapport, des étriers qui servent à retenir entre elles les barres d'armature ont été «sectionnées», quand les aciers ont été mis à nu par des éclatements du béton de surface.

Quelques mètres plus haut, indique aussi ce rapport, environ 145 000 véhicules roulent quotidiennement sur une chaussée fissurée dans le sens de la largeur le long d'un joint endommagé, «où l'érosion par abrasion et les éclatements de béton peuvent réduire de façon appréciable le confort de roulement et la sécurité des usagers».

Trous et stalactites

Plus à l'est, sur le côté nord de la structure qui surplombe le boulevard Provencher, des stalactites de sels pendent au béton de la structure. Elles proviennent de sels de voirie répandus en hiver sur la chaussée qui se sont infiltrés sous l'asphalte, puis à travers toute la structure, avant de «suinter» par les pores du béton, sur le côté extérieur, à proximité d'un drain rouillé.

Sous la structure, l'inspection réalisée en octobre dernier avait révélé la présence d'une «fissure importante» sur l'une des piles de béton armé soutenant la dalle, au nord de la structure. Le rapport du MTQ indique des «fissures en réseaux sur 20% de la surface, délaminage, et éclatements avec armatures apparentes et corrodées sur 15 mètres carrés de béton». Une photo accompagnait cette description de la «fissure».

Dix mois plus tard, quand La Presse est passée par là, jeudi dernier, le trou béant en plein centre de cette colonne en béton armé était toujours visible.

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Le MTQ ne voit pas d'urgence

Le ministère des Transports du Québec ne prévoit pas réaliser de travaux majeurs sur l'autoroute Métropolitaine d'ici 2015, selon son porte-parole, Mario St-Pierre.

Depuis 2010, a-t-il expliqué, le MTQ réalise des travaux de réparations, chaque année, sur des structures de la Métropolitaine afin d'en préserver «la fonctionnalité et d'assurer la sécurité du public».

M. St-Pierre n'a toutefois pu préciser ni le nombre d'interventions ni les montants annuels que le MTQ y a consacrés au cours des dernières années.

Pour l'exercice en cours, qui s'étend sur deux ans, le MTQ a prévu des investissements se situant dans une vague fourchette «de 50 à 100 millions» pour cette autoroute, et ce, pour les années 2013 et 2014.

Ces sommes incluent les travaux prévus pour le réaménagement de l'échangeur Décarie, qui est en cours, et dont le coût exact n'a pas été rendu public. En conséquence, les montants prévus spécifiquement pour réparer les structures endommagées de l'autoroute Métropolitaine ne peuvent pas être estimés.

La Presse a pu constater la semaine dernière les traces de travaux de bétonnage réalisés en surface, au cours des derniers mois, sous les structures. Ces travaux servent principalement à prévenir les chutes de morceaux de béton qui se détachent de la structure.

Des dommages plus importants qui avaient été consignés aux rapports d'inspection générale réalisés l'an dernier, notamment sur des colonnes et des piles des structures, sont toujours bien visibles.

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Indice de condition générale

Le ministère des Transports du Québec (MTQ) utilise des notes de 1 à 4 pour représenter l'indice de condition générale (ICG) de ses ponts, viaducs et autres structures, en fonction de leur état et de l'importance des travaux nécessaires pour les restaurer. La note la plus élevée correspond à une structure en bon état et la note la plus basse, à un ouvrage devant être remplacé. Sur les 51 structures de l'autoroute Métropolitaine répertoriées par le MTQ, seulement 16 (ou 31%) ne nécessitent aucune intervention.

État autoroute Métropolitaine:

4 = Aucune intervention nécessaire = 16 structures

3 = Nécessite des réparations = 27 structures

2 = Nécessite des travaux majeurs = 8 structures

1 = Remplacement de la structure = 0 structure

Total : 51 structures