Le travailleur Gilles Lévesque est-il mort enseveli au fond d'une tranchée en raison de la négligence de son employeur ou a-t-il été victime d'un accident hors du contrôle de l'entrepreneur en construction qui a même mis sa vie en danger pour tenter de sauver son ami ? Deux versions de la mort de Gilles Lévesque se sont entrechoquées mercredi aux plaidoiries du procès de Sylvain Fournier.

L'homme de 48 ans est accusé d'homicide involontaire et de négligence criminelle ayant causé la mort de Gilles Lévesque, le 3 avril 2012, sur un chantier d'excavation devant une résidence de l'arrondissement de Lachine. Selon la théorie de la poursuite, Sylvain Fournier a laissé travailler Gilles Lévesque au fond d'une tranchée, alors que les parois n'avaient pas été sécurisées par un étançonnement. Un tas de débris posé «directement» sur le bord du trou s'est effondré sur l'ouvrier, le tuant sur le coup, avance la poursuite. L'accusé a été gravement blessé aux jambes dans l'incident.

«[L'accusé] connaissait le danger d'effondrement de cette façon d'excaver», a affirmé la procureure de la Couronne Sarah Laporte dans ses plaidoiries. Ainsi, Sylvain Fournier savait qu'il y avait un «risque grave et évident» pour la vie de son employé, dit-elle. De plus, Gilles Lévesque n'avait pas de carte de compétence pour effectuer ce travail et ne portait pas de casque de sécurité sur le chantier.

Selon la défense, Sylvain Fournier était parti chercher une planche de contreplaqué nécessaire à la conception de l'étançonnement, lorsqu'il a aperçu à son retour Gilles Lévesque, enseveli jusqu'aux genoux et accoté sur une paroi du trou. Il a témoigné avoir lancé un pic et une pelle dans la tranchée, puis avoir creusé autour de son ami quelques secondes tout juste avant un second éboulement. Il aurait réussi à reculer de quelques pas tout juste avant l'effondrement, alors qu'il venait de recevoir un appel de son fils.

Le témoignage de Sylvain Fournier n'est pas «crédible», a plaidé Me Laporte de la Couronne. Comment expliquer que le corps de Gilles Lévesque ait été retrouvé près du tuyau d'égout et à quinze pieds de Sylvain Lévesque ?, s'est-elle demandé. Comment expliquer qu'aucun clou, marteau ou planches n'ait été retrouvé près du trou, alors que Gilles Lévesque était soi-disant en train d'assembler la structure d'étançonnement ? Pourquoi Sylvain Fournier n'a-t-il jamais appelé le 9-11, laissant plutôt sa conjointe le faire dix minutes plus tard ?

Selon l'avocate de la défense Brigitte Martin, Gilles Lévesque aurait peut-être pu être sauvé si les pompiers spécialisés en sauvetage de tranchée n'avaient pas exigé à leur arrivée que les premiers répondants sortent du trou. Ceux-ci étaient pourtant en train de déterrer Sylvain Fournier et auraient pu déterrer Gilles Lévesque avec la rétrocaveuse.  «Aurait-on pu sauver Gilles Lévesque?», a-t-elle lancé. 

De plus, aucun témoin n'a vu Gilles Lévesque travailler seul au fond de la tranchée, a plaidé Me Martin. «Pourquoi serait-il descendu mettre sa vie en danger dans la tranchée pas étançonnée pour faire des travaux, alors que l'équipement d'étançonnement était sur place ? C'était un travailleur expérimenté», a dit l'avocate de la défense. L'accusé avait emprunté cette structure à son frère entrepreneur. 

Selon la défense, la Couronne n'a pas réussi à prouver hors de tout doute raisonnable - et pas même selon la balance des probabilités - la responsabilité criminelle de Sylvain Fournier.