Une juge qui pleure au procès doit-elle se récuser pour cause de parti-pris?

Oui, soutient l'avocate de la défense dans une affaire de contacts sexuels avec une personne mineure, en Colombie-Britannique. Pas nécessairement, soutiennent des juristes, qui rappellent que les juges ne devraient pas être des robots sans âme, et que la raison peut se nourrir d'émotions.

L'avocate de la défense dans cette affaire a demandé lundi à la juge Monica McParland, de la Cour provinciale à Kelowna, de se récuser parce qu'elle aurait fait preuve de partialité à l'égard de l'accusé, qui a plaidé coupable. Me Jacqueline Halliburn soutient même que la juge se serait moquée de la suggestion de la défense qui réclamait une peine de prison discontinue. La juge McParland n'a pas encore répondu à la requête pour récusation, qui l'obligerait à confier la détermination de la peine à un autre magistrat.

La procureure de la Couronne a plaidé que les juges présentent régulièrement un large éventail de langage verbal et non verbal dans leurs interactions avec les avocats lors des procédures de détermination de la peine. Me Angela Ross estime qu'aucun des comportements attribués à la juge McParland dans cette affaire ne satisfait à la preuve requise pour une récusation judiciaire.

Annalise Acorn, professeure de droit à l'Université de l'Alberta, rappelle que les juges doivent souvent faire face au tribunal à des faits qui impliquent d'énormes souffrances humaines, et qu'en tant qu'êtres humains, ils peuvent avoir des réactions émotives comme n'importe qui d'autre.

Selon la professeure Acorn, on ne peut s'attendre à ce que la raison soit indépendante de toute émotion: pendant un procès, toutes sortes de chevauchements et d'interactions surviennent entre ces deux pôles.

«Les émotions sont des réponses physiques à des évaluations rationnelles», a déclaré la professeure Acorn, qui s'intéresse surtout à la philosophie des émotions dans le contexte des conflits et de la justice. «À mon avis, il est erroné de suggérer qu'une réponse émotionnelle constitue en soi un signe de partialité.»

Janine Benedet, professeure de droit à l'Université de la Colombie-Britannique, précise que la juge a pleuré à l'étape de la détermination de la peine, alors que l'accusé avait déjà plaidé coupable. «En tant que société, nous devrions avoir une répugnance face aux agressions sexuelles des enfants, et il n'y a rien de mal à trouver cela troublant.»

Bien qu'elle n'ait jamais entendu parler de cas similaires, la juriste soutient que les tribunaux reconnaissent le fait que les juges et les jurés peuvent être émus par ce qu'ils voient et entendent au procès. C'est pourquoi le tribunal peut, par exemple, remplacer la diffusion d'une vidéo particulièrement horrible par le dépôt en preuve de quelques photographies moins éprouvantes.

Dans l'affaire de Kelowna, la Couronne a réclamé lundi une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 20 mois, suivie de deux années de probation. La défense a recommandé une peine d'emprisonnement discontinue de 90 jours, à purger pendant 20 fins de semaine. L'affaire devrait revenir devant le tribunal le 17 août.