(Montréal) Un milliardaire montréalais accusé d’avoir payé des filles mineures pour des relations sexuelles est en très mauvaise santé et doit être contraint de témoigner avant l’éventuelle autorisation d’une action collective contre lui, a soutenu jeudi l’avocat à l’origine de l’affaire.

Jeff Orenstein a demandé à la Cour supérieure du Québec la permission d’interroger Robert Miller le plus tôt possible, car il craint que l’homme de 80 ans ne soit mort au moment où l’affaire sera jugée.

Lors d’une audience au palais de justice de Montréal, M. Orenstein a souligné que l’accusé souffre d’une « maladie dégénérative » et qu’il est « très clair que c’est maintenant ou jamais ».

Cependant, l’avocat de M. Miller, Karim Renno, a fait valoir que son client était déjà trop malade pour se soumettre à un interrogatoire.

M. Renno a affirmé aux journalistes à l’extérieur de la salle d’audience que M. Miller n’est pas en mesure de témoigner, et que « cela semble être l’opinion médicale dominante des experts des deux côtés ».

La demande d’action collective allègue que M. Miller a donné de l’argent et des cadeaux à des dizaines de mineures en échange de relations sexuelles entre 1996 et 2006. Dans une demande infructueuse de gel de certains actifs de M. Miller en novembre, Me Orenstein a estimé la valeur des dommages-intérêts qui seraient demandés par la poursuite à jusqu’à 200 millions. M. Miller a nié toutes les accusations portées contre lui.

M. Renno a présenté comme preuve les rapports de deux médecins, et bien que le juge Christian Immer a ordonné que ces rapports soient scellés, le juge n’a pas étendu l’interdiction de publication aux commentaires faits au tribunal sur les rapports.

M. Renno a soutenu que les experts estiment « que la vie (de M. Miller) serait en danger s’il était soumis au stress » d’un interrogatoire.

L’avocat estime que les preuves que la poursuite recherche ont déjà été obtenues auprès de ses propres clientes, et que l’on demande essentiellement de forcer son client à nier les allégations.

Maladie de Parkinson avancée

Le Dr Alain Dagher, un neurologue appelé par Me Orenstein, a déclaré jeudi que, sur la base de son examen des rapports médicaux, le milliardaire est incapable de marcher ou de se lever du lit en raison d’une maladie de Parkinson avancée, mais possède des capacités cognitives normales pour une personne de son âge.

Son état de santé peut également provoquer un essoufflement, nécessitant de l’oxygène, et le stress pourrait aggraver son état, a déclaré M. Dagher. « Je pense qu’il pourrait être interrogé à condition que les personnes qui l’interrogent comprennent qu’elles devraient s’arrêter s’il devenait visiblement stressé ou essoufflé. »

M. Orenstein demande l’autorisation en vertu d’une disposition qui permet un interrogatoire précoce afin de préserver les preuves nécessaires. Son action collective doit encore être autorisée par un juge pour aller de l’avant.

« Nous avons déjà les récits d’environ 47 femmes, comme nous le savons, et je pense que nous voulons connaître l’autre côté de l’histoire, a déclaré Me Orenstein aux journalistes à l’extérieur de la salle d’audience. Ce que nous voulons de cette affaire, c’est la vérité. »

Le juge Immer a remis en question la stratégie de Me Orenstein, affirmant qu’il n’était pas logique que l’équipe juridique des plaignantes veuille s’assurer que les dénégations du défendeur soient consignées au dossier. Le juge a déclaré qu’il craignait également que M. Miller, qui ne peut prononcer que trois ou quatre mots à la fois, voit sa santé menacée par le stress du témoignage.

Le magistrat a dit que sa crainte était que « cette personne décède allongée dans son lit » en témoignant.

Me Orenstein a déclaré qu’il limiterait son interrogatoire à trois heures, sans compter les pauses nécessaires pour que M. Miller prenne ses médicaments.

Des questions liées à la seule représentante dans la requête

Le juge Christian Immer a toutefois suggéré que même si l’interrogatoire anticipé était autorisé par le tribunal, Me Orenstein ne pourrait que lui poser des questions liées à la seule représentante dans la requête pour intenter une action collective, et non des questions liées aux autres membres potentielles de cette action.

Me Orenstein a déclaré que trois des 47 femmes qui accusaient M. Miller d’avoir payé pour avoir des relations sexuelles avec elles avaient moins de 14 ans à l’époque. Cependant, il ne représente officiellement qu’une seule femme – identifiée dans les documents judiciaires comme étant S. N. – qui a dit qu’elle avait 17 ans lorsque M. Miller a payé pour avoir des relations sexuelles avec elle.

Me Orenstein demande également l’autorisation d’interroger Helmut Lippmann – un vice-président de 90 ans de la société Future Electronics fondée par M. Miller – dès que possible en raison de son âge avancé.

L’avocat de M. Lippmann, Neil Oberman, a déclaré que Me Orenstein n’avait pas présenté de preuve sur la capacité de son client à témoigner, autre que son âge.

Tout au long de l’audience, le juge a exprimé sa frustration face à la lenteur avec laquelle l’affaire avance, ajoutant que ce sont les différentes demandes de Me Orenstein qui ont causé des retards. « Faites avancer ce dossier pour le bien de ces 47 femmes et de S. N. », a déclaré le juge Immer.