Un enquêteur de la Sûreté du Québec accusé d’avoir harcelé une femme et d’avoir battu une autre femme et un bébé dans un contexte de violence conjugale doit porter un bracelet antirapprochement en attente de son procès. C’est possiblement la première fois que ce nouvel outil de protection est imposé à un policier.

Le sergent-enquêteur Danny Pépin de la SQ a comparu détenu au palais de justice de Laval, le 28 juin dernier. L’homme de 44 ans de Saint-Eustache fait face à de sérieuses accusations dans deux dossiers. D’abord, il est accusé de harcèlement criminel à l’égard d’une femme. Un crime qui se serait déroulé pendant plusieurs mois dans un contexte conjugal.

Dans le second dossier, Danny Pépin est accusé d’avoir commis des voies de fait envers une femme, et ce, sur une période de plusieurs années. On lui reproche aussi d’avoir infligé des blessures à cette femme à deux occasions. Il est également accusé d’avoir frappé un nourrisson de moins de 1 an.

Les gestes reprochés à Danny Pépin n’ont pas été commis dans le cadre de ses fonctions, a précisé à La Presse la lieutenante Ann Mathieu de la SQ. Le sergent Pépin a été suspendu avec demi-solde à la suite de son arrestation. « Personne n’est à l’abri d’une situation comme celle-là », soutient la lieutenante Mathieu, en rappelant l’importance de demander de l’aide.

Ça envoie un signe très positif à la société et aux femmes qui sont victimes de violence conjugale. Ça montre que peu importe le métier de l’agresseur, peu importe son statut et son aura, il n’est pas au-dessus des lois.

Mathilde Trou, porte-parole du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

« Ça envoie un message fort. Certaines femmes ont des réticences, parce que leur conjoint a un statut important, comme médecin et policier. On les encourage à dénoncer », a ajouté Mme Trou.

Nouvelle mesure

Après avoir été détenu quelques jours, le sergent Pépin a été libéré sous de strictes conditions, le 4 juillet dernier. Il devra ainsi résider dans une maison de thérapie en traitement des dépendances jusqu’à nouvel ordre et ne devra pas se trouver à un kilomètre à la ronde des résidences de plusieurs personnes. Il lui sera aussi interdit de se trouver dans une ville spécifique de la couronne nord de Montréal.

Surtout, Danny Pépin devra porter un bracelet antirapprochement pendant toute la durée des procédures judiciaires dans le cadre de ses conditions de remise en liberté. Cet appareil inamovible attaché à la cheville et muni d’un outil de géolocalisation a été déployé par le gouvernement du Québec l’an dernier dans la foulée d’une vague de féminicides.

Dans un contexte de violence conjugale ou d’exploitation sexuelle, le bracelet antirapprochement permet d’éviter qu’un homme s’approche de sa victime. Si le délinquant se trouve proche de la victime, celle-ci en sera informée sur son cellulaire. L’appareil alertera également les policiers qui pourront intervenir rapidement.

« Le [bracelet] peut contribuer à sauver des vies et à redonner la paix d’esprit à de nombreuses femmes », a expliqué le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, en mai dernier.

Le bracelet antirapprochement a été implanté en 2022 à Laval et dans plusieurs régions du Québec, puis au printemps dernier à Montréal, en Estrie, sur la Côte-Nord et dans le Centre-du-Québec. Depuis le déploiement de cette mesure unique au pays, 116 bracelets ont été imposés, en hausse constante dans les derniers mois.

« C’est vraiment très nouveau. C’est une mesure qui augmente le sentiment de sécurité, mais ce n’est pas une mesure ultime. La personne victime peut se sentir constamment en état d’alerte. Certaines personnes victimes vont refuser cette option », explique Karine Mac Donald, criminologue et porte-parole du Réseau des CAVAC (Centres d’aide aux victimes d’actes criminels).

Selon Mathilde Trou, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, l’annonce du déploiement de ces bracelets a eu un impact « important » pour les femmes. « Ça peut vraiment les sécuriser », se réjouit-elle. « Mais est-ce que ça crée un faux sentiment ? On est dans le flou », nuance-t-elle.

C’est pourquoi le Regroupement aimerait obtenir plus d’information de la part du ministère de la Sécurité publique au sujet des effets du bracelet afin de mieux accompagner les femmes sur le terrain.

Danny Pépin doit retourner en cour en octobre prochain pour la suite du processus judiciaire. Jointe par La Presse, son avocate n’a pas souhaité commenter l’affaire.

Nous écrivions dans une version précédente que l’accusé avait passé quelques jours en prison avant sa remise en liberté. Or, il est plutôt resté détenu à l’hôpital quelques jours avant d’être remis en liberté.