Le dépôt à neige situé à côté du boisé Du Tremblay, à Longueuil, n’est utilisé qu’en hiver, mais ses répercussions environnementales se font ressentir toute l’année. Des citoyens et groupes de pression demandent à la Ville de trouver des solutions pour protéger les cours d’eau et la faune qui habite le boisé, en particulier la rainette faux-grillon. Du côté de la Ville, on assure que des développements sont à venir durant les prochains mois.

« Je trouve ça aberrant qu’une ville comme Longueuil veuille faire un refuge faunique dans le boisé Du Tremblay tout en installant une montagne de poison juste à côté, qui se déverse dedans. »

Le photographe animalier Patrick Bourgeois est un habitué du boisé Du Tremblay qui, avec ses 267 hectares, est de loin le plus grand parc nature de Longueuil. Il y a photographié la rainette plusieurs fois et trouve inconcevable qu’autant de dommages soient causés à un écosystème aussi fragile.

Les amphibiens ont tous quitté le boisé. C’est vraiment triste.

Patrick Bourgeois, photographe animalier

La Ville de Longueuil affirme cependant que la rainette faux-grillon demeure toujours présente dans le boisé Du Tremblay, et continue de se faire entendre, même si le nombre d’individus diminue.

Directeur de la conservation pour l’organisme Ciel et Terre, Tommy Montpetit a fait le même constat, et depuis longtemps. Lors de la fonte des neiges, le déversement des eaux usées vient contaminer le ruisseau Massé et risque de faire disparaître les habitats de plusieurs espèces. Très peu d’animaux se trouvent dans le boisé, aujourd’hui.

« [Les milieux humides] ne peuvent pas supporter la force du courant quand le dépotoir fond », explique Tommy Montpetit, qui croit que déplacer le dépôt ne ferait que déplacer le problème. « On voit des trous qui se forment à travers [la dalle de béton] sur laquelle est déposée la neige souillée. C’est totalement risible ! L’eau s’écoule directement dans le ruisseau Massé. Il faut donc arriver à conserver le dépotoir là où il est, mais en bouchant les trous. »

« Le boisé est contaminé depuis 2008, ajoute l’expert. Est-ce qu’on sera capable de le décontaminer ? Est-ce que la vie [animale] va reprendre ? Ce sont des questions importantes auxquelles il faut des réponses. »

Alain Branchaud est directeur général de la Société de la nature et des parcs du Canada, section Québec. En plus de la rainette faux-grillon, son organisme soutient que les poissons sont aussi menacés par l’écoulement des eaux dans le secteur du boisé Du Tremblay. Il déplore la mauvaise gestion de ce volet à la Ville de Longueuil.

« C’est un dossier pour lequel il devrait y avoir des inspections régulières », dit-il. Il aimerait que le ministère de l’Environnement sanctionne la Ville et fasse des suivis sur la qualité de l’eau où vivent les différentes espèces menacées, comme le mulet à cornes ou l’umbre de vase.

Des développements imminents

La Ville de Longueuil est consciente que la proximité entre le dépôt à neige et le boisé est problématique. Le directeur du conseil stratégique et porte-parole de la Ville de Longueuil, Louis-Pascal Cyr, explique que l’objectif de la Ville, pour décontaminer le site le plus possible, est d’abord de limiter la quantité de sel ajouté en hiver. Cependant, une étape encore plus importante reste à franchir.

« L’objectif, dans un premier temps, c’est d’agrandir le bassin de décantation, ce qui va augmenter la captation de la sédimentation, affirme M. Cyr. Ultimement, on veut assurer un détournement des eaux vers le réseau d’égouts. »

L’agrandissement du bassin doit être terminé pour l’hiver 2024, alors que le détournement des eaux sera de plus grande envergure. Longueuil est déjà en discussion avec le ministère de l’Environnement du Québec pour des travaux sur le terrain qui s’amorceront à l’été et à l’automne 2024.

« On a demandé à nos équipes de revoir l’entièreté du projet en respectant la vie faunique, dit la conseillère municipale du Boisé-Du Tremblay, Lysa Bélaïcha. Il respecte les critères qui sont de mise, soit entre autres de réduire la largeur du boulevard Béliveau, et l’interdiction du développement immobilier dans le boisé Du Tremblay. » Elle dit avoir l’intention de suivre les impacts et les répercussions environnementales du dépôt à neige à long terme.

Lysa Bélaïcha ajoute que la Ville de Longueuil a favorisé la conservation de l’habitat de la rainette faux-grillon en ajoutant des étangs, dans le boisé Du Tremblay, et que l’écoulement des eaux du dépôt à neige ne touche pas ces étangs. Selon Tommy Montpetit, la Ville doit à tout prix protéger l’habitat de cette espèce lors des travaux sur le terrain si elle est sérieuse dans sa volonté de protéger cet environnement. « Nos orientations de protéger les milieux naturels sur le territoire sont claires », assure la conseillère municipale.

« Un problème simple, à la base, qui est maintenant rendu une problématique énorme », conclut M. Montpetit.