À peine adopté, un règlement de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) destiné à protéger les milieux naturels est déjà contesté devant les tribunaux. C’est le sénateur Paul Massicotte, également promoteur immobilier, qui souhaite le faire déclarer « illégal », et ce, même si le règlement n’a pas encore été officiellement approuvé par le gouvernement du Québec.

Le 18 mai dernier, deux entreprises détenues par le sénateur Paul Massicotte ont déposé une requête en Cour supérieure pour faire annuler un nouveau règlement de contrôle intérimaire (RCI) de la CMM destiné à protéger les « milieux naturels d’intérêt » sur son territoire.

Le règlement a été adopté à l’unanimité par les élus municipaux alors que la CMM peine à atteindre ses objectifs de protection des milieux naturels. Il doit cependant être approuvé par la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, au plus tard 60 jours après son adoption pour être valide.

Les deux entreprises, Sommet Prestige Canada et Propriétés Sommet Prestige, possèdent un terrain à Saint-Bruno-de-Montarville, sur la Rive-Sud de Montréal, dans un secteur appelé le boisé des Hirondelles. Une « large partie » a été intégrée à la liste des milieux naturels d’intérêt inclus au nouveau règlement adopté par la CMM, le 28 avril dernier. Le RCI interdit toute construction sur ces terrains afin d’accroître la superficie d’espaces verts protégés à l’échelle de la CMM.

Paul Massicotte, qui est aussi président du comité permanent du Sénat sur l’énergie, l’environnement et les ressources naturelles, affirme que la CMM a outrepassé ses pouvoirs en adoptant ce règlement et que celui-ci est « illégal ».

Il ajoute que le règlement « doit conséquemment être déclaré nul ou inopposable à l’égard » de ses terrains à Saint-Bruno-de-Montarville, où il prévoit depuis plusieurs années un projet de lotissement résidentiel d’une vingtaine de maisons dans un secteur abritant des plants de ginseng à cinq folioles, espèce floristique menacée, en bordure du mont Saint-Bruno.

Le promoteur a déjà déposé une poursuite contre la Ville de Saint-Bruno en 2018 pour faire annuler des règlements municipaux empêchant la construction au boisé des Hirondelles. Il demande également à faire annuler une décision du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, qui a refusé le projet en 2020. L’affaire doit être entendue en Cour supérieure à la fin de l’automne 2022.

Le terrain en question a été racheté du prestigieux club de golf Mount Bruno Country Club par Paul Massicotte pour 1,9 million de dollars en 2006.

Soulignons qu’au départ, la Ville était favorable au projet jusqu’à l’élection d’un nouveau conseil municipal en 2013, qui s’y est opposé.

« Perpétuer un gel illégal »

Selon les avocats de M. Massicotte, « le réel objectif poursuivi par la CMM consiste plutôt à user de cette mesure réglementaire [le RCI] en principe temporaire afin de geler de façon permanente le développement du Terrain, tout en cherchant parallèlement à obtenir une modification aux principes fondamentaux d’indemnisation établis en matière d’expropriation, et ce, pour ultimement acquérir le Terrain au rabais ».

« La fin réellement poursuivie par la CMM consiste à geler le développement du Terrain non pas dans l’attente d’établir les orientations d’aménagement devant s’y appliquer dans le cadre du processus de révision du PMAD [Plan métropolitain d’aménagement et de développement], mais bien dans l’objectif de perpétuer le gel illégal initié par la Ville de Saint-Bruno-de-Montarville », ajoute-t-on.

La requête précise aussi que « la qualification du Terrain à titre de “milieu terrestre d’intérêt métropolitain” est déraisonnable, injustifiée et sans fondement scientifique ».

La « demande introductive d’instance en nullité et inopposabilité » est « intentée à des fins conservatoires », précise-t-on. « L’objectif est de protéger les droits des demanderesses le temps qu’un jugement final et exécutoire intervienne » dans la poursuite contre la Ville de Saint-Bruno.

Les avocats de M. Massicotte n’ont pas donné suite aux questions de La Presse. De son côté, la CMM n’a pas voulu commenter le dossier puisque l’affaire est maintenant devant les tribunaux.

Avec la collaboration de Louis-Samuel Perron, La Presse

« Comment pouvons-nous avoir confiance ? »

Le comité permanent du Sénat sur l’énergie, l’environnement et les ressources naturelles, présidé par le sénateur Massicotte, a notamment pour mandat les questions touchant « les changements climatiques, la pollution, la biodiversité et l’intégrité écologique ». Le 3 mars dernier, M. Massicotte interrogeait d’ailleurs le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, au sujet de « la gestion des changements climatiques ». « Actuellement, après les échecs continuels de tous les gouvernements, nous sommes le pire pays du G7. Dans une perspective mondiale, la semaine dernière, le GIEC des Nations unies a encore une fois sonné l’alarme pour nous prévenir que nous arrivons à un point de non-retour. Que faire, monsieur le ministre ? Oui, nous avons un nouveau ministre en votre personne, et nous avons une nouvelle loi, mais comment pouvons-nous avoir confiance, après tous ces échecs, que nous arriverons enfin à bien gérer l’énorme défi que posent les changements climatiques ? »

En savoir plus
  • 10,1 %
    Avant l’adoption du nouveau règlement, la CMM stagnait depuis 2012 avec seulement 10,1 % de son territoire qui était protégé. Le règlement de contrôle intérimaire permettra de faire passer cette proportion à 22,3 %.
    Source : CMM
  • 30 %
    Les experts du GIEC estiment qu’il faudrait protéger 30 % du territoire d’ici 2030 dans un contexte d’urgence climatique et de protection de la biodiversité.
    Source : GIEC