Même si les évènements violents suscitent l’inquiétude à Montréal-Nord, le seul programme de travailleurs de rue du quartier ne reçoit plus de financement municipal, et doit compter sur des fondations privées pour assurer sa survie.

« On a perdu notre subvention de l’arrondissement et je suis très fâché. Dans la situation où nous sommes, avec la violence qui sévit à Montréal-Nord, c’est incompréhensible ! », dénonce Slim Hammami, coordonnateur du Café-Jeunesse Multiculturel.

L’organisme a un programme de travailleurs de rue depuis 19 ans dans ce quartier chaud. Il recevait normalement 70 000 $ par année pour payer les deux employés occupant cette fonction.

Mais à partir de juillet 2021, les autorités de l’arrondissement ne lui proposaient que 25 000 $, pour payer une travailleuse de rue qui intervient auprès des jeunes filles.

Furieux, Slim Hammami a refusé cette somme. « Ça ne permettait même pas de payer un salaire », fait-il valoir.

Avec ses partenaires du quartier, il s’est tourné vers le privé et a réussi à obtenir in extremis de l’aide financière pour maintenir, et même bonifier, son programme de travailleurs de rue.

Deux organismes caritatifs, la Fondation Mirella et Lino Saputo et la Fondation Lucie et André Chagnon, ont versé 360 000 $ pour un an au Café-Jeunesse Multiculturel, pour payer six travailleurs de rue.

Mais ce financement n’est pas assuré au-delà de juillet 2022, s’inquiète M. Hammami.

On a failli perdre cette expertise qu’on a développée depuis toutes ces années. C’est une richesse, et ça nous permet d’atténuer les tensions.

Slim Hammami, coordonnateur du Café-Jeunesse Multiculturel

Slim Hammami fait remarquer que Montréal-Nord semble épargné par les évènements violents depuis quelques mois. Peut-être que les travailleurs de rue contribuent à cette paix relative, avec les policiers du poste de quartier 39, avance l’intervenant.

« Notre travail n’est pas toujours visible, c’est difficile d’en mesurer l’impact, mais quand il y a une crise, on nous appelle pour calmer le jeu, alors on doit bien être utiles ! », observe Roberson Berlus, travailleur de rue depuis 17 ans dans le quartier.

Importance du travail de rue

Dans un rapport commandé par l’arrondissement sur la violence commise et subie par les jeunes, que La Presse a obtenu la semaine dernière, on souligne l’importance du travail de rue pour prévenir les évènements violents.

En créant des liens étroits avec les jeunes et en travaillant sur différents facteurs de risque, les travailleurs de rue contribuent « à recréer un filet social autour de ces jeunes, leur apporter diverses formes de soutien et trouver avec eux des réponses à leurs besoins et à leurs aspirations », indique le rapport.

Lisez notre texte au sujet du rapport

Au lieu du Café-Jeunesse Multiculturel, ce sont deux autres organismes, Hoodstock et L’Escale, qui ont reçu du financement de l’arrondissement, par l’intermédiaire du nouveau programme « Prévention de la violence commise et subie chez les jeunes », pour d’autres types de projets.

Plus d’« équité entre les organismes », plaide la mairesse

La mairesse de l’arrondissement, Christine Black, ne nie pas l’importance du travail de rue pour prévenir la violence dans le quartier. Mais selon elle, la nouvelle politique d’attribution, par l’intermédiaire d’un comité indépendant, offre « davantage d’équité entre les organismes ».

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Christine Black, mairesse de Montréal-Nord

« On a tellement de priorités et tellement d’urgences qu’on se retrouve dans des situations où on doit malheureusement dire non à certains, explique-t-elle. Nos organismes communautaires sont sous-financés à Montréal-Nord, et on manque d’infrastructures de sports et de loisirs. »

Mme Black assure que l’arrondissement ne veut pas que les organismes se sentent en compétition les uns avec les autres pour obtenir du financement.

Mais par la même occasion, elle souligne que certains, comme le Café-Jeunesse Multiculturel, doivent apprendre à diversifier leurs sources de financement. « Il faut avoir le réflexe d’aller chercher de l’argent ailleurs », dit-elle.