Les Lavallois et les banlieusards de la couronne nord de Montréal perdront collectivement chaque jour plus de 21 000 heures dans la congestion routière d'ici 2021. Cette perte de temps anticipée dans la circulation représente une hausse de 37% par rapport à la situation actuelle et un peu plus du double de celle qui s'observait sur le réseau autoroutier de la banlieue nord en 2014.

Selon une étude de la firme d'ingénierie WSP commandée par la Société de transport de Laval (STL), l'encombrement du réseau autoroutier de la banlieue, combiné à une forte croissance démographique et à l'absence de nouveaux projets de transport majeurs depuis le prolongement du métro à Laval, en 2007, fait augmenter les temps d'attente dans la congestion de manière exponentielle au fil des années.

Ainsi, de 2014 à 2017, malgré l'augmentation de 8% du volume de la circulation sur les autoroutes du nord de Montréal, l'étude de WSP estime que le temps perdu s'est alourdi de 46%, dans la congestion routière, pour les Lavallois et les automobilistes de la couronne.

«Sur les tronçons où les infrastructures routières sont déjà à pleine capacité, il a été observé que le ratio de retard provoqué par chaque véhicule additionnel sur la route augmente de façon exponentielle», peut-on lire dans l'étude de WSP.

D'ici 2021, «les projections démontrent que même si le rythme de croissance du volume automobile a tendance à légèrement diminuer comparativement à la période précédente (5% au lieu de 8%), le temps perdu aura doublé par rapport à l'année de référence 2014 pour atteindre un peu plus de 5,5 millions d'heures perdues» sur toute une année, soit 21 300 heures par jour.

La conséquence concrète la plus visible de cette «aggravation» de la congestion sera un allongement des périodes de pointe, qui commenceront plus tôt et se termineront plus tard, soir et matin. Un nombre croissant d'automobilistes tenteront d'éviter ces heures de pointe «en partant plus tôt ou plus tard de la maison pour le travail».

MOBILISATION RÉGIONALE

Ces constats seront exposés de façon détaillée ce matin en ouverture du Forum sur la mobilité et le transport collectif qui se tient aujourd'hui à Laval, et où seront présents les maires et mairesses de Laval et de 18 municipalités des Basses-Laurentides. Ceux-ci seront réunis pour «dégager des propositions concrètes et efficaces afin de contrer la congestion routière, et ce, au nom du million de citoyens qu'ils représentent».

Le Regroupement des maires soumettra, en après-midi, une déclaration commune, et un plan global d'intervention, fruit d'une concertation régionale inédite, pour s'attaquer au problème de la congestion. Ce plan passera principalement par le développement de nouveaux services de transports en commun intégrés.

Le ministre des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports, André Fortin, sera présent et prononcera une allocution à la fin de l'événement.

Depuis déjà plusieurs mois, le premier ministre du Québec Philippe Couillard lance régulièrement des messages d'ouverture aux pistes de solution qui seront proposées par les élus de la banlieue nord, lors de discours ou d'événements liés à la mobilité durable, qu'il décrit comme une «Baie-James du XXIe siècle».

Les données sur la congestion de l'étude de WSP mettent des chiffres sur une réalité qui est largement connue, à savoir que les principaux axes autoroutiers nord-sud, en banlieue nord, ont atteint un point de saturation, de sorte que le moindre ajout de véhicules entraîne des effets exponentiels sur la circulation, principalement en pointe du matin et du soir.

UNE CONGESTION QUI S'ÉTEND

Pour chiffrer cette réalité, les consultants ont isolé 16 tronçons d'autoroute (dans les deux directions, soit 32 segments routiers) et ont observé la vitesse moyenne d'écoulement des véhicules à partir des données émises par des lecteurs GPS. 

Le portrait qui s'en dégage n'est pas, en soi, surprenant. Ce sont les autoroutes 15 et 25, entre les autoroutes 640 et 440, l'autoroute 15 Sud, en amont de la rivière des Prairies, et l'autoroute 13, au sud de la 440, qui sont depuis 2014 les plus congestionnées, au nord de la métropole.

De 2014 à 2017, la situation s'est dégradée sur toutes ces autoroutes nord-sud en direction de Montréal avec des augmentations des heures d'attente de 32 à 58%. D'ici 2021, la congestion devrait s'amplifier encore sur les mêmes segments, avec des hausses du temps perdu de 28 à 48%.

La firme WSP prévoit toutefois que la congestion s'étendra de manière encore plus marquée, d'ici 2021, sur certains segments d'autoroutes. Sur l'A15, entre Sainte-Thérèse et Blainville, on prévoit ainsi que le temps perdu des automobilistes va doubler. La hausse des retards anticipée est de 104%. Le temps perdu sur l'autoroute 19 devrait aussi augmenter de 67%, en direction de Montréal, d'ici 2021.

«Des corridors généralement fluides en période de pointe du matin devraient aussi connaître une dégradation de leurs conditions de circulation, indique l'étude de WSP. Des retards récurrents sont ainsi à prévoir sur l'autoroute 640 dans les secteurs de Rosemère et de Boisbriand, et ce, dans les deux directions, entre l'autoroute 13 et la route 335.»

Le cas de l'A15

Le cas de l'autoroute 15 illustre à merveille l'évolution des problèmes de congestion routière qui s'amplifient et s'étendent dans la banlieue nord sur des tronçons d'autoroute de plus en plus longs, et qui tendent aussi à s'étirer bien au-delà des périodes de pointe du matin et du soir.

La congestion qui se concentrait il y a quelques années encore en territoire lavallois, entre les autoroutes 440 et 640, s'étend aujourd'hui de plus en plus vers le nord, à Mirabel, et jusqu'à l'autoroute 50. Le fait qu'on remarque les plus fortes augmentations de débits de circulation sur la portion de l'A15 entre la rivière des Mille Îles et l'A50 ne relève pas d'une coïncidence.

UNE FIN DE JOURNÉE PLUS PÉNIBLE

Entre 2014 et 2017 en direction nord sur l'A15, l'augmentation spectaculaire des retards est presque entièrement attribuable à la circulation de la pointe de fin de journée. Entre les autoroutes 440 et 640, sur le territoire de Laval, le cumul des heures perdues par les automobilistes passe de 1035 à 1607 heures, soit une augmentation de plus de 55 % en trois ans seulement.

Durant la même période, le volume de circulation a pourtant augmenté d'à peine 7,7 % sur ce tronçon. Le nombre d'heures de retard augmente ainsi jusqu'à sept fois plus vite que le nombre de véhicules, illustrant l'effet exponentiel d'un ajout de circulation sur un tronçon autoroutier déjà saturé.

La situation est complètement différente au nord de l'autoroute 640. La congestion en pointe du soir y est quasi inexistante en 2014, selon les données de la firme de génie-conseil WSP. On y cumule un grand total d'à peine 44 heures de temps perdu, malgré une circulation qui dépasse déjà les 21 000 véhicules entre 15 h 30 et 18 h 30.

Trois ans plus tard, en 2017, la congestion s'installe entre la rivière des Mille Îles et l'autoroute 50. Le volume de circulation sur cette partie de l'A15 grimpe abruptement de 17 %, et les heures de retard subies par les usagers de l'autoroute se multiplient par 16 !

Un autre phénomène mérite qu'on s'y arrête. L'examen de WSP révèle qu'en 2014 et en 2017, les volumes de circulation au nord de l'A640 sont plus élevés qu'au sud. Ces différences indiquent clairement qu'un apport de circulation important s'ajoute en direction de Mirabel qui n'est pas attribuable à la circulation en provenance de Montréal, mais à des automobilistes arrivant de l'A640 ou des bretelles d'entrée de l'A15 à partir des villes de la banlieue.

Les projections des consultants pour 2021 tendent à démontrer que les phénomènes observés depuis 2014 se poursuivront dans les prochaines années, bien que d'une manière plus atténuée. L'augmentation du nombre d'heures perdues est estimée à 24 % entre les autoroutes 440 et 640 et à 43 % entre l'A640 et l'A50.

LA CONGESTION VENUE DU NORD

Sur l'autoroute 15 Sud, le portrait de la congestion routière est beaucoup plus net et témoigne clairement des années pénibles à venir dans la circulation pour les résidants de la couronne nord et de Laval. Dès 2014, le total des heures perdues en direction sud est déjà beaucoup plus élevé que dans la direction inverse, et la situation se détériore rapidement, dès 2017, avec des apports de circulation en nette progression en amont de l'autoroute 440.

Le volume de circulation en provenance du nord de l'autoroute 640 a gonflé de 17 % entre 2014 et 2017. Et cette circulation ne se limite pas à la pointe du matin. Elle s'observe aussi bien sur une période de 24 heures que dans les trois heures de la pointe du matin. Entre l'autoroute 50 et la rivière des Mille Îles, le total des heures perdues augmente de 38 % en seulement trois ans - et cette hausse n'est pas attribuable à un effet exponentiel de quelques voitures sur un tronçon déjà saturé. Elle est directement liée à l'augmentation de la circulation.

Selon les projections de l'étude de WSP, cette augmentation des volumes de circulation se poursuivra d'ici 2021 avec des effets potentiellement catastrophiques pour les résidants de la couronne, et même des Laurentides, qui se dirigent vers Montréal. Les augmentations de 114 % des heures de retard au nord de l'A640 et de 44 % au sud, projetées par WSP, laissent présager d'heures de pointe de plus en plus pénibles le matin, mais aussi de conditions de circulation plus lourdes pour l'ensemble de la journée sur l'A15 Sud.

Des projets déjà en cours

Les maires et mairesses de la banlieue nord doivent présenter aujourd'hui un plan intégré d'interventions susceptibles de réduire la congestion routière dans leurs 19 municipalités. Avant même qu'ils ne se rencontrent, un certain nombre de projets de transports en commun et de chantiers routiers étaient déjà prévus à plus ou moins brève échéance pour améliorer les conditions de circulation des résidants de Laval et de la couronne nord de Montréal. La Presse présente ici les principaux projets déjà planifiés.

TRANSPORTS COLLECTIFS

Gare de train de banlieue à Mirabel

Le projet reste controversé, dans la mesure où la municipalité a choisi une terre en culture en zone agricole pour l'aménagement d'une future gare sur la ligne de train de banlieue de Saint-Jérôme, alors qu'elle avait une option en zone blanche. En décembre dernier, Québec, Ottawa et l'Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) ont engagé 1,3 million pour des plans et devis. La gare devrait ouvrir en 2019.

Voies réservées aux autobus sur l'A15

Après des décennies de revendication des maires de la banlieue nord, le gouvernement a enfin inscrit dans le Plan québécois des infrastructures, en mars dernier, le projet d'« ajout de voies réservées » aux autobus au coeur d'un projet de « réfection de la chaussée sur l'autoroute 15 à Laval et dans les Laurentides ». Le projet est « à l'étude » et devra donc franchir bien des étapes avant de devenir réalité. Il devrait figurer en bonne place, cet après-midi, parmi les priorités de développement des transports collectifs pour la banlieue nord de Montréal.

SRB Pie-IX

On l'oublie parfois, mais le projet de Service rapide par bus (SRB) du boulevard Pie-IX, dans l'est de Montréal, comprend deux stations à Laval prévues aux intersections de la route 125 et des boulevards de la Concorde et Saint-Martin. Un grand stationnement incitatif est aussi prévu à la station Saint-Martin, à proximité de l'autoroute 440, dans ce projet global de bus express de 400 millions qu'on a déjà qualifié d'« autoroute pour autobus ». Lancé en 2009, le projet a passé des années en suspens et en redéfinition. Il devrait finalement voir le jour en 2022, si tout se passe bien.

Réseau express métropolitain (REM)

L'antenne de Deux-Montagnes du futur train léger de la Caisse de dépôt et placement du Québec prévoit quatre stations en banlieue nord de Montréal, en lieu et place des quatre gares du train de banlieue actuel, situées à Deux-Montagnes (Deux-Montagnes et Grand-Moulin) et à Laval (Sainte-Dorothée et Île-Bigras). Les départs du REM seront beaucoup plus fréquents que ceux du train de banlieue. Mais comme les voitures du REM sont plus petites et qu'elles compteront moins de places assises, on ne s'entend guère pour dire si le REM permettra vraiment de bonifier les services.

Voies réservées sur l'autoroute 19

Le parachèvement de l'autoroute 19 entre Laval et Bois-des-Filion, un projet de 500 à 600 millions annoncé vendredi dernier par le premier ministre Philippe Couillard, prévoit l'aménagement de voies réservées exclusivement aux autobus dans les deux directions. Les travaux pourraient débuter en 2021 pour une mise en service vers 2025.

Prolongement du métro à Laval

En campagne électorale, l'an dernier, le maire de Laval Marc Demers a fait connaître une nouvelle vision d'un second prolongement du métro vers Laval, après les trois stations initiales de 2007. Ce prolongement inclurait deux stations. La première serait située à proximité de l'école Saint-Maxime, près de l'intersection du boulevard Lévesque et de la route 117. La seconde serait implantée à l'intersection des boulevards Curé-Labelle et Notre-Dame. Ce prolongement de la ligne orange du métro, à partir de la station Côte-Vertu, commencerait évidemment par l'ajout de deux stations dans le nord de Montréal. Une station croiserait le REM à Bois-Francs, et une deuxième serait située près de l'hôpital du Sacré-Coeur.

Le projet n'est actuellement inscrit dans aucune planification régionale, mais il y a fort à parier qu'il sera au coeur du plan de développement que les maires de Laval et de la banlieue nord adopteront cet après-midi, en conclusion de leur Forum.

PROJETS ROUTIERS

Parachèvement de l'autoroute 19

Le parachèvement de l'autoroute 19 prévoit la transformation du tronçon de huit kilomètres de la route 335, entre Laval et Bois-des-Fillion, en une autoroute de trois voies par direction, dont deux pour les voitures et une pour les autobus. Entre-temps, la congestion routière risque d'augmenter sur la route 335, qui ne compte, par endroits, qu'une seule voie par direction. L'étude de la firme WSP estime que c'est dans cet axe que le temps perdu dans la congestion risque d'augmenter le plus d'ici 2021, soit de 48 % par rapport à 2017.

Réfection majeure du pont Pie-IX

Ce pont entre Montréal et Laval subira des travaux importants dans un avenir rapproché. Une réfection majeure est « en planification » dans la plus récente révision du Plan québécois des infrastructures. Elle devra tenir compte du passage des autobus du SRB Pie-IX, qui se rendra à Laval. On estime à 83 000 le nombre de véhicules qui empruntent ce pont chaque jour.

Réfection du pont Vachon

La réfection du pont Vachon, sur l'autoroute 13, entre Laval et Boisbriand, est elle aussi « en planification » dans le Plan québécois des infrastructures. La nature et l'ampleur des travaux prévus ne sont pas connues, pour le moment, et on ne sait pas s'il est question d'y aménager un corridor de circulation pour des autobus. Environ 92 000 véhicules empruntent ce pont chaque jour.

Réfection majeure du pont Gédéon-Ouimet

Ce grand pont de plus d'un kilomètre au-dessus de la rivière des Mille Îles entre Boisbriand et Laval, sur l'autoroute 15, devra faire l'objet de travaux majeurs. Depuis plusieurs années, son indice de condition générale dans l'inventaire des structures de Transports Québec est coté « 1 », soit la pire note possible, qui signifie que le pont « nécessite un remplacement ». Sa réfection est « à l'étude ». L'inventaire des structures du Ministère indique qu'on planifie une intervention pour 2021. Pas moins de 128 000 véhicules traversent quotidiennement cette structure dont la construction date de 1958.