Quelques dizaines de manifestants se sont réunis vendredi après-midi, certains agitant un drapeau des patriotes, devant les deux mosquées de Côte-des-Neiges au centre d'un reportage controversé de TVA, pour lequel le réseau s'était excusé un peu plus tôt.

Les policiers étaient cependant plus nombreux que les protestataires après la prière, au moment où les fidèles quittaient les lieux et que des politiciens tenaient un point de presse pour exprimer leur solidarité avec les membres des deux mosquées.

« Le message est un message de paix, de solidarité. Un message qui dit clairement : nous disons non à la haine, nous disons non à l'intolérance », lancé le ministre québécois de l'Immigration, David Heurtel.

La mairesse de l'arrondissement de Côte-des-Neiges - Notre-Dame-de-Grâce, Sue Montgomery, ainsi que le conseiller municipal du district, Lionel Perez, étaient aussi présents pour montrer leur appui.

Mardi, TVA Nouvelles a diffusé un reportage affirmant que les dirigeants des deux mosquées avaient demandé que les femmes soient exclues d'un chantier de construction à proximité le vendredi, au moment de la prière.

Une enquête de la Commission de la construction du Québec (CCQ) a conclu jeudi qu'aucune demande en ce sens n'avait été faite par les mosquées.

« QUELQUE CHOSE LÀ-DESSOUS »

Le réseau TVA s'est excusé vendredi pour la diffusion du reportage qui a provoqué cette agitation.

Malgré ces excuses, des manifestants croient tout de même qu'il « y a quelque chose là-dessous. Et si ce n'est pas vrai, on veut quand même qu'ils voient que les femmes du Québec se tiennent debout », a affirmé Jacinthe Bouvier, qui est peintre sur des chantiers de construction.

Une affiche portée par un protestataire clamait « Pas de charia au Québec ». Les groupes identitaires La Meute et Storm Alliance avaient cependant décidé de ne pas participer à la manifestation.

La présence de manifestants inquiète les musulmans qui fréquentent les deux mosquées. « Cette histoire a mis de l'huile sur le feu, et ça va nous nuire pendant longtemps, a déploré le président de la mosquée Baitul-Mukarram, Aktar Ahmed. Si on subit une attaque, TVA en sera responsable. »

« J'espère que nous allons apprendre de ces incidents, pour les médias surtout, qu'il est dangereux de sortir avec des mots incendiaires, a souligné Lionel Perez. Le feu a été allumé, on est ici pour l'éteindre, inciter au calme. »

« Le dommage est fait, a soutenu Sue Montgomery. Les gens ont été très émus et heurtés. »

COCKTAIL MOLOTOV À LA MOSQUÉE

Les dirigeants des deux mosquées songent à entreprendre des recours judiciaires contre le réseau TVA.

Des plaintes ont déjà été déposées au Conseil de presse du Québec contre la journaliste Marie-Pier Cloutier, et l'Association musulmane québécoise se prépare à y ajouter la sienne.

La présidente de l'association, Nancy Lepage, qui s'est rendue à la mosquée Baitul-Mukarram en signe de solidarité, se dit estomaquée par les messages hostiles qui circulent sur les réseaux sociaux. « J'ai vu sur Facebook un message disant : "Québécois, réveillez-vous, allez visiter la mosquée de votre quartier", avec une image de cocktail Molotov. Où va nous mener cette haine ? », demande-t-elle.

Certains ont reproché à la mairesse de Montréal, Valérie Plante, de n'avoir pas dénoncé avec plus de vigueur la fausse nouvelle de TVA. En rencontre éditoriale dans les bureaux de La Presse vendredi en matinée, la mairesse a expliqué qu'elle voulait attendre la vérification des faits.

- Avec Pierre-André Normandin, La Presse