Le Bureau du vérificateur général du Canada a lancé au début de l'année un « audit de performance » sur la construction du nouveau pont Champlain, qui fait la manchette depuis les derniers jours en raison de retards par rapport à l'échéancier prévu. Le rapport sera publié le printemps prochain.

Selon des correspondances obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le Vérificateur a demandé à avoir accès à une série de « documents pertinents » liés au chantier, incluant « les documents protégés par le secret professionnel de l'avocat ou d'autres privilèges ».

Services publics et approvisionnement Canada, l'un des ministères impliqués dans le projet, s'est engagé à ouvrir ses livres, révèle une lettre confidentielle consultée par La Presse.

Pourquoi une telle vérification ? Vincent Frigon, porte-parole du Vérificateur, a affirmé ne « rien pouvoir dire » sur la procédure, hier. « Le Bureau du vérificateur a l'entière liberté de faire les audits qu'il veut, mais on ne peut pas révéler les raisons. »

Un ancien vérificateur explique

Selon Denis Desautels, qui a occupé la fonction de vérificateur général du Canada entre 1991 et 2001, « bien des raisons » peuvent expliquer un tel contrôle. Tout en précisant ignorer les causes de la vérification actuelle, il rappelle avoir lui-même commandé un audit sur le chantier du pont de la Confédération, construit au milieu des années 90 entre l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick.

« C'était l'importance du projet comme tel qui a justifié l'audit, et c'était aussi l'un des premiers PPP [partenariats public-privé], a-t-il indiqué à La Presse. Il y avait une valeur d'apprentissage dans ce cas-là. »

Le déclenchement d'un audit de performance ne signifie « absolument pas » que des doutes de malversations planent sur un projet, mais « ça ne l'exclut pas », souligne Denis Desautels. « S'il y avait des inquiétudes, ça pourrait aussi entrer là-dedans. »

L'ancien vérificateur ajoute que les projets aussi imposants que le nouveau pont Champlain - évalué à 4,2 milliards de dollars avec les ouvrages afférents - se comptent « sur les doigts d'une seule main » au pays. Le Bureau du vérificateur a l'entière liberté de choisir lui-même sur quels sujets il se penche, poursuit-il.

«Pleine collaboration»

Infrastructure Canada, qui représente le gouvernement fédéral dans le projet du nouveau pont Champlain (construit en PPP), dit avoir été informé en janvier 2017 du déclenchement d'un audit. 

« Infrastructure a confirmé à ce moment sa pleine collaboration auprès du Bureau du vérificateur général », a commenté hier la porte-parole Nadine Archambault-Chapleau.

Elle précise que la livraison du nouveau pont est toujours prévue en décembre 2018. Le consortium Groupe Signature sur le Saint-Laurent, chargé des travaux, s'est entendu récemment avec le gouvernement pour accélérer la cadence du chantier en vue d'éviter un retard de sept mois.

- Avec William Leclerc, La Presse

QU'EST-CE QU'UN AUDIT DE PERFORMANCE ?

Le Bureau du vérificateur général du Canada bénéficie d'un important pouvoir discrétionnaire pour exercer ses activités, comme des audits de performance. Les sujets de ces vérifications sont souvent déterminés plusieurs années à l'avance, explique-t-on. «  [Le Bureau] effectue d'abord une analyse exhaustive des risques pour dégager les secteurs qui sont les plus importants et les plus pertinents pour le Parlement. Par secteurs à risque élevé, on entend ceux qui, par exemple, pourraient coûter cher aux contribuables ou menacer la santé et la sécurité des Canadiennes et des Canadiens si un problème survenait. » L'organisme peut autant s'intéresser à un secteur d'activité, comme la réglementation des pesticides, qu'à un sujet plus vaste comme la protection du patrimoine. Il se penche aussi de temps à autre sur des projets d'infrastructure comme le pont Champlain.