Mercredi en début de soirée, rue Saint-Urbain, près de la rue Rachel. L'air est doux, les passants sont nombreux. Devant un trio de maisons, les moins attentifs s'exclament à grands coups de «ark», de «oh, my God!» ou encore de «what the f...!».

La source de leur émoi soudain?

Des rats.

Un tas de rats, qui grignotent ce qu'ils réussissent vaillamment à extirper des sacs poubelles qui traînent sur le trottoir, en prévision de l'enlèvement des ordures du lendemain. Il n'y a pas de ramassage des résidus alimentaires dans ce coin du Plateau Mont-Royal. Les sacs de déchets sont donc un buffet pour ces rongeurs.

Peu après le coucher du soleil, on commence à les apercevoir, sortant furtivement des nombreux petits tunnels qu'ils ont creusés sur le terrain des maisons. Ils semblent examiner les environs. Puis, une heure plus tard, c'est sans la moindre gêne qu'ils se promènent sur le trottoir de sac en sac, couinant bruyamment quand éclatent leurs disputes pour une trouvaille. Ils fuient à peine les passants.

De nombreuses plaintes



Les résidants du coin ne savent plus à quel saint se vouer, après des appels répétés au service 311 de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal.

«J'ai appelé le 311 cet été. La dame qui m'a répondu avait l'air exaspérée. Elle m'a dit qu'elle avait plusieurs plaintes comme ça. Qu'ils étaient intervenus au coin de Rachel et de Saint-Dominique, tout près, et qu'ils les avaient peut-être fait fuir vers chez nous», raconte Mme Gauthier, résidante dont le parterre est parsemé de petits tunnels où circulent les rats.

Jusqu'à tout récemment, il était couvert de framboisiers et de fleurs. Croyant que les rats s'enfuiraient si elle leur enlevait toute cette verdure pour se cacher, elle a tout rasé. En vain.

«J'ai appelé plusieurs fois le 311 pour signaler la présence de déchets quand ce n'est pas le jour des ordures, et celle des rats. On m'a dit qu'ils envoyaient mon message au bon service. Puis on voyait des gens passer, un jour ou deux plus tard, pour ramasser les déchets, mais ça n'a jamais réglé le problème», raconte une autre résidante, Brenda.

Avant l'été qui vient de se terminer, les résidants n'avaient jamais vu de rats près de chez eux.

Ils se demandent d'où ils sont venus.

Une hypothèse, un triplex voisin du leur, où logent des étudiants et où des chambres sont louées à petit prix sur Airbnb. En plus d'être bruyants, les gens de passage ont souvent laissé, l'été dernier, des ordures devant l'immeuble, confient les voisins.

«Mais pour que les rats sortent, il faut en général qu'il y ait une rupture de canalisation, un tuyau brisé. Ensuite, ils vont aller là où ils trouvent de la nourriture, comme des poubelles», explique l'exterminatrice Chantal Lessard.

Que peut faire la ville?

Les résidants du secteur s'adressent à leurs élus ou candidats, qui font campagne en ce moment.

«À mon avis, il faut que la Ville s'occupe de ça. Ils n'ont rien fait jusqu'à maintenant », croit Mme Gauthier.

«C'est un problème qui affecte tout le monde. Ce n'est pas le sujet le plus sexy dans la vie politique, mais il faut s'en charger», affirme Alex Norris, conseiller municipal du district Jeanne-Mance.

M. Norris nie que l'arrondissement ait été inactif. Il raconte être intervenu l'été dernier pour un problème similaire dans la rue Clark, voisine de Saint-Urbain.

«Nous avons découvert que deux puisards pour capter les eaux de pluie dans les stationnements entre les rues Clark et Saint-Laurent avaient une grille brisée, permettant aux rats de sortir. Nous avons installé de nouvelles grilles il y a deux semaines. Nous sommes aussi intervenus auprès de propriétaires dont les conteneurs à déchets trop petits débordaient. Mais si tu bloques le puisard et que des rats sont à l'extérieur, ils ne peuvent retourner dans les égouts, ils sont coincés dehors. Nous avons fait venir un exterminateur pour dératiser les terrains privés. Nous n'avons pas de nouvelle requête depuis deux semaines», explique Michel Tanguay, porte-parole de l'arrondissement.

La Presse a aussi appris que la semaine dernière, un restaurant du secteur avait reçu un constat d'infraction de 271 $ pour avoir laissé traîner dans sa cour arrière des «sacs de tous genres dont plusieurs sont éventrés avec des restants de table», lit-on dans le constat. L'inspecteur y fait clairement mention de la présence de rats dans le secteur.

Régler le problème

Mais les résidants de la rue Saint-Urbain, eux, disent ne pas avoir encore eu droit à tout ce bataillon.

Alex Norris, qui estime possible que les interventions sur Clark aient poussé les rats rue Saint-Urbain, leur promet une intervention rapide. Mais il explique que tout n'est pas simple. Les rats sur le domaine public sont la responsabilité de la Ville. S'ils sont sur des terrains privés, c'est plus complexe.

«On doit d'abord envoyer des avis aux propriétaires», dit-il.

Candidat d'Équipe Coderre à la mairie du Plateau, Zach Macklovitch promet de s'attaquer au problème s'il est élu.

«Dans quelques parties de la ville, ça frappe très fort. Je ne suis pas élu encore, mais j'ai fait des recherches sur le sujet. Ça ne touche pas que le Plateau, mais plusieurs parties de la ville. Je vais essayer de trouver une façon de régler le problème. [...] Je vais consulter les experts d'autres villes qui ont eu ces problèmes et trouver une solution», promet-il.