Lors du scrutin de mars 2007, l'Action démocratique du Québec (ADQ) avait fait une percée inattendue sur la Rive-Sud et dans la couronne nord de Montréal. L'ampleur de la vague adéquiste avait surpris tout le Québec. Alors que les sondages prédisent sa déconfiture, l'ADQ pourrait-elle surprendre à nouveau, le 8 décembre? La Presse a sondé l'humeur du 450.

Mercredi. Un soleil pâle se lève sur le huitième jour de la campagne électorale. Dans son modeste local de Sainte-Julie, en banlieue sud de Montréal, le député adéquiste sortant Simon-Pierre Diamond épluche les journaux avant de se lancer à l'assaut des électeurs de la circonscription. Au programme: poignées de main au resto, distribution de dépliants au supermarché, visite de la salle de quilles et, bien sûr, porte-à-porte en soirée.

 

La routine habituelle, quoi.

Ce matin-là, les titres de La Presse sont dévastateurs pour l'ADQ et son chef: «Mario le boutefeu», «Des adéquistes évoquent déjà la défaite», «La mauvaise foi de Dumont». La veille, un sondage n'avait accordé qu'une maigre portion de 14% des intentions de vote à l'ADQ. Et bien des analystes semblaient déjà avoir rédigé la chronique nécrologique du parti.

La routine habituelle, quoi.

La mauvaise presse, les sondages catastrophiques, rien de tout cela ne paraît ébranler M. Diamond, 23 ans, le plus jeune député de l'histoire de l'Assemblée nationale. «C'était pareil à la dernière campagne. On avait commencé à 12% des intentions de vote et, finalement, on avait été bien contents du résultat.»

Il y avait de quoi l'être. Lors du scrutin de mars 2007, l'ADQ avait surpris le Québec tout entier en faisant élire 41 députés et en devenant l'opposition officielle au Parlement. La vague adéquiste avait déferlé jusqu'aux portes de Montréal, balayant au passage de nombreuses circonscriptions traditionnellement péquistes de la Rive-Sud et de la couronne nord de la métropole.

M. Diamond avait profité de la vague en raflant la circonscription de Marguerite-D'Youville, qui englobe Sainte-Julie et Boucherville. Et quoi qu'en disent les sondages, il n'y aura pas de ressac le 8 décembre, promet le député en parcourant les rues bordées de bungalows de Sainte-Julie. «Ici, la moyenne d'âge est de 36 ans. Il y a beaucoup de jeunes familles qui jugent être trop taxées et qui se sentent négligées par le gouvernement.»

Vive concurrence

L'ADQ espère répéter le succès de 2007 en courtisant de nouveau la classe moyenne des banlieues. «Le 450, pour nous, c'est une clientèle cible extrêmement importante, un terreau très fertile pour nos idées», admet Jean-Simon Venne, organisateur en chef de l'ADQ, sans toutefois se risquer à prédire l'issue du scrutin. «C'est très instable en ce moment. Cela peut s'en aller dans différentes directions. On est loin d'une cristallisation.»

L'équipe de Mario Dumont aura fort à faire pour conserver sa mainmise dans la ceinture de Montréal. La concurrence est vive. «Les circonscriptions du 450 ont presque toujours été péquistes. Nous avons donc mis en place des stratégies pour les reconquérir», affirme un proche collaborateur de Pauline Marois. L'engagement péquiste d'offrir une place en garderie pour chaque enfant fait partie de ces stratégies, ajoute-t-il.

Dans Marguerite-D'Youville, le Parti québécois sera représenté par Monique Richard, 60 ans. Une grosse pointure. Présidente du PQ, elle a aussi dirigé la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) au début de la décennie. Elle assure que son parti a appris les leçons du désastre électoral de 2007. «On n'était pas assez clairs, nos objectifs étaient flous, et on a payé la facture. Ç'a été notre plus grosse défaite.»

Le candidat libéral Jean-Robert Grenier a aussi des chances dans cette circonscription généralement bleue, mais qui avait viré au rouge en 2003, en réaction aux très impopulaires fusions municipales orchestrées par le PQ.

Gonflé à bloc par des sondages favorables, le parti de Jean Charest rêve de ravir plusieurs sièges dans le 450 - et peut-être même d'y chercher la majorité qui lui a échappé en 2007. «Les couronnes nord et sud de Montréal sont un enjeu pour tous les partis, dit un représentant libéral. Elles font l'objet de bien des convoitises.»

Pas étonnant que les trois chefs y passent une bonne partie de leur temps depuis le début de la campagne.

Malgré tout, il serait sans doute hasardeux de parier sur la défaite de Simon-Pierre Diamond. Le député sortant n'a peut-être que 23 ans, mais il semble être tombé dans la politique quand il était petit. C'est son père, ancien organisateur libéral, qui l'a initié à la chose publique, lors du référendum de 1995. Il n'avait que 10 ans. «Depuis, mon intérêt n'a jamais lâché.»

Sur le terrain, le jeune homme est heureux comme un poisson dans l'eau, distribuant les poignées de main et les bons mots avec une aisance évidente. Quand il entre à la crêperie Sainte-Julie, la serveuse Jeanne-d'Arc Bernard se jette littéralement dans ses bras pour lui faire l'accolade. «On le connaît depuis qu'il est tout petit! Il est vraiment plaisant. Il vient toujours à nos dîners de l'amitié pour les aînés. On a un fun rare!» raconte-t-elle.

Le 8 décembre, Mme Bernard votera pour M. Diamond, même si elle avoue que son chef, Mario Dumont, l'emballe de moins en moins.

Une étoile pâlissante

Ironiquement, la superstar de l'ADQ pourrait devenir un boulet pour son équipe, à mesure que son étoile pâlit aux yeux des électeurs. C'est du moins ce que croit Ritha Cossette, candidate libérale dans Mirabel.

«Les députés adéquistes du 450 ont gagné grâce à la performance du chef en 2007, et ils vont perdre à cause de la contre-performance du même chef en 2008, prédit-elle. Tout porte sur les épaules de Mario Dumont.»

Mme Cossette a été présidente de l'ADQ dans les années 90. Son mari, le maire de Mirabel Hubert Meilleur, s'est présenté à deux reprises, sans succès, sous la bannière adéquiste. Mais aujourd'hui, le couple vote rouge. Et Mme Cossette, battue par l'adéquiste François Desrochers en mars 2007, pense que, cette fois-ci, la lutte se fera entre elle et la candidate péquiste, Denise Beaudoin.

M. Desrochers n'est évidemment pas de cet avis. «On nous a déjà enterrés 20 fois!» rappelle le député sortant, bien installé à bord de sa caravane électorale.

Il a garé le mastodonte dans le stationnement de la caisse populaire de Saint-Augustin-de-Mirabel et, comme tous les jours depuis le début de la campagne, il invite les électeurs à y monter pour prendre un café et parler politique.

Ce midi, M. Desrochers a fait entrer deux travailleurs en carrosserie qui passaient par là. Tous deux ont voté ADQ en 2007 et promettent de le faire à nouveau le 8 décembre. «Mais il faut le dire, on est un peu déçus de notre homme», dit Daniel Landry, vêtu d'une épaisse chemise à carreaux. «On pensait que Mario, il donnerait plus la claque. Qu'il allait s'imposer plus que ça...»

M. Desrochers hoche poliment la tête. Le second travailleur poursuit: «Mario doit retrouver la confiance du monde. On est prêt à lui donner une deuxième chance, mais il ne faut pas qu'il la rate, celle-là, parce que ça serait fatal pour lui.»

Résultats des élections provinciales du 26 mars 2007

COURONNE NORD

Blainville

ADQ 42%

PQ 33%

PLQ 19%

Deux-Montagnes

ADQ 36%

PQ 33%

PLQ 24%

Groulx

ADQ 37%

PQ 29%

PLQ 27%

Masson

ADQ 44%

PQ 36%

PLQ 14%

Mirabel

ADQ 44%

PQ 34%

PLQ 15%

Terrebonne

ADQ 41%

PQ 36%

PLQ 16%

RIVE-SUD

Châteauguay

PLQ 37%

ADQ 30%

PQ 27%

La Pinière

PLQ 50%

ADQ 25%

PQ 18%

Laporte

PLQ 41%

PQ 25%

ADQ 24%

La Prairie

ADQ 34%

PQ 31%

PLQ 29%

Marguerite-D'Youville

ADQ 37%

PQ 31%

PLQ 27%

Marie-Victorin

PQ 40%

ADQ 28%

PLQ 21%

Taillon

PQ 35%

ADQ 32%

PLQ 21%

Vaudreuil

PLQ 44%

ADQ 25%

PQ 23%