Carmen Cipolla, un jeune militant libéral, reconnaît se sentir légèrement «mal à l'aise» lorsqu'il sillonne les rues de Antigonish dans l'espoir de convertir les fidèles du parti à la cause de la leader du Parti vert Elizabeth May.

La persévérance du jeune homme de 24 ans est exactement ce dont Mme May a besoin pour surmonter des cotes défavorables et remporter la victoire dans Central Nova, une circonscription du nord-est de la Nouvelle-Ecosse.

«Il est extraordinaire. Ces jeunes libéraux sont très idéalistes», a déclaré Mme May au sujet de ces «transfuges temporaires».

M. Cipolla - un leader de la Société libérale de l'Université Saint François Xavier - a choisi de travailler pour les Verts après que Mme May et son homologue libéral Stéphane Dion eurent conclu une entente afin de ne pas présenter de candidats dans la circonscription de l'autre chef.

Le député sortant dans Central Nova est le ministre conservateur Peter MacKay, qui a remporté le scrutin de 2006 par une majorité de plus de 3000 votes devant le candidat du Nouveau Parti démocratique.

Dans l'élection à venir, tous ignorent ce qui va advenir des 10 349 votes libéraux enregistrés en 2006, maintenant que l'on sait que le PLC ne déléguera pas de candidat.

Avant que M. Cipolla n'amorce sa campagne de démarchage avec Jesse Coady, un membre des Verts de l'Université Saint François Xavier, il affirme que ce porte-à-porte ne vise pas seulement à attirer le vote libéral vers les Verts.

«Notre objectif est de parler à des libéraux et des conservateurs et de voir s'ils accepteraient de passer chez les Verts», a-t-il expliqué.

James Bickerton, un politicologue à l'Université Saint François Xavier, reconnaît qu'il existe des transfuges libéraux dans cette ville universitaire. Mais il doute que Mme May puisse battre M. MacKay, qui détient le siège de candidat de Central Nova depuis 11 ans.

Pour réussir ce tour de force, fait-il remarquer, Mme May doit recueillir la majorité des votes libéraux tout en volant des appuis qui sont destinés aux néo-démocrates et aux conservateurs, dont les machines sont bien huilées.

«Il faudra que tous les morceaux du casse-tête tombent dans les bonnes cases pour que Mme May soutire la victoire, a analysé M. Bickerton. Même si tout va dans le meilleur des mondes pour elle, la bataille demeurera très ardue.»

Ce ne sont pas tous les électeurs libéraux qui voteront en faveur de Mme May.

Joan Flemming, une dame de 46 ans, vote pour le Parti libéral depuis de nombreuses années. Elle est indécise bien qu'elle sait qu'elle n'accordera pas son vote aux Verts. «Avec tout ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, je ne crois pas que leurs promesses soient réalistes», a-t-elle dit.

De son côté, Louise Lorefice, une enseignante à la retraite qui se présente sous la bannière néo-démocrate, dit qu'il est difficile de prédire où ira le vote libéral. «Quiconque veut faire une telle prédiction est victime d'illusions», a-t-elle déclaré lors d'un interview.

Selon la candidate néo-démocrate, les travailleurs d'usines de pâte à papier ou d'usines de fabrication de pneus ont des soucis fondamentaux sur les coûts de plus en plus élevés du chauffage et au sujet d'autres dossiers élémentaires.

«L'hiver prochain, les gens feront face à une situation où ils devront choisir entre la nourriture et le chauffage, affirme Mme Lorefice. Les gens sont vidés et les politiques du NPD touchent des sujets tels la pauvreté.»

En effet, lorsque Elizabeth May rend visite à des familles de Pictou, il y a plus de chances que le sujet de discussion porte sur les coûts de chauffage que sur le réchauffement de la planète.

«La côte est encore abrupte, mais je fais des progrès, soutient-elle. J'ai de bonnes chances réussir ici. La pente s'adoucit jour après jour.»

Si elle échoue dans sa tentative de se faire élire à Central Nova, Mme May dit ne pas avoir pensé à son avenir en politique.

Va-t-elle démissionner de son poste de chef du Parti vert? «C'est une décision qui appartient aux membres et ce n'est pas pour demain», réplique-t-elle.

«Je n'y ai pas pensé parce que je m'attends à gagner», ajoute-t-elle.