Un ancien dirigeant du Parti libéral souhaite que sa formation politique subisse une cuisante défaite aux élections du 14 octobre. C'est la seule façon de s'assurer que le parti sera reconstruit sur des assises solides, estime Stephen LeDrew, qui a été président du Parti libéral de 1998 à 2003.

Dans une lettre ouverte publiée hier dans le quotidien National Post, M. LeDrew affirme sans ambages que les libéraux de Stéphane Dion ne vont nulle part après trois semaines de campagne pour plusieurs raisons : le chef demeure impopulaire auprès de l'électorat, le programme électoral, dont la pièce maîtresse est l'imposition d'une taxe sur le carbone conjuguée à une réduction des impôts, « est incompréhensible ou carrément stupide ».

« À moins d'un miracle (...), les libéraux vont subir toute une raclée durant cette élection. Et c'est exactement ce dont ils ont besoin s'ils veulent que le parti demeure une force nationale viable », affirme M. LeDrew.

Reconnu dans les milieux libéraux pour son franc-parler, cet avocat de Toronto ajoute que les libéraux doivent faire mieux que de comparer Stephen Harper à un clone de George W. Bush ou encore dire que le chef conservateur va mener le Canada à sa perte.

Il affirme que les conservateurs ont un programme centriste calqué sur le libéralisme depuis un certain temps, ce qui a eu pour effet de pousser le Parti libéral plus à gauche sur l'échiquier politique. Or, la gauche est passablement achalandée par les temps qui courent avec le NPD et le Parti vert dans certaines régions et le Bloc québécois au Québec.

M. LeDrew, qui a été président du parti au plus fort de la guerre entre le camp de Jean Chrétien et celui de Paul Martin, estime que le Parti libéral doit renouveler en profondeur son discours sur une foule de questions. « Les libéraux doivent déterminer ce que cela veut dire être libéral au XXIe siècle », écrit-il.

Cette lettre de Stephen LeDrew a visiblement créé un certain embarras dans l'entourage de Stephen Dion qui fait campagne dans l'Ouest depuis lundi pour tenter de préserver les maigres acquis de son parti dans cette région du pays. Certains stratèges ont cru un moment en effet que les commentaires de M. LeDrew affecteraient le moral des troupes et des travailleurs électoraux du Parti libéral.

Mais le chef libéral a vite réagi afin de minimiser la portée de ce que l'un de ses collaborateurs a qualifié, sous le couvert de l'anonymat, de « trahison ».

Dès sa première apparition hier devant des étudiants et des professeurs de la communauté juive de Winnipeg, M. Dion a lancé clair et fort son mot d'ordre. En réponse à un journaliste qui lui a demandé ce qu'il avait à dire à ses militants au sujet des commentaires de M. LeDrew, le chef libéral a répondu avec fermeté : « Ignorez-les ! »

M. Dion a souligné ensuite que ces élections étaient parmi les plus importantes de toute l'histoire du pays et qu'il ne fallait pas se laisser distraire du but véritable.

M. Dion a ajouté que pour ces raisons, il se foutait complètement des propos de Stephen LeDrew. L'important, a-t-il insisté, c'est de faire obstacle aux « fausses solutions » de Stephen Harper, notamment en justice, « des solutions importées qui ont échoué au sud de notre frontière ».

La lettre de M. LeDrew a été publiée le jour même où un nouveau sondage réalisé par la firme Nanos pour le compte de CPAC démontre que le NPD se rapproche dangereusement du Parti libéral dans les intentions de vote à l'échelle du pays.

Selon ce sondage, le Parti conservateur recueille 37 % des intentions de vote, soit une confortable avance de 11 points de pourcentage sur les libéraux. Le Parti libéral recueille donc 26 % des appuis contre 21 % pour le NPD. Le Parti vert doit se contenter de 7 %.