Moins de trois mois avant de devenir candidat libéral aux élections dans Outremont, le comédien Sébastien Dhavernas avait été nommé au poste de président du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs par le ministre conservateur du Travail, Jean-Pierre Blackburn.

«J'ai vu de l'intérieur comment fonctionnent les conservateurs. Au tribunal, nous devions être au minimum quatre pour former quorum. Nous n'étions que trois et mes appels pour corriger la situation restaient sans réponse», dénonce le comédien qui a démissionné du poste où il avait été nommé avant d'annoncer sa candidature.Il ajoute avoir suffisamment vu le gouvernement Harper à l'oeuvre pour comprendre que ce dernier allait faire des coupes dans la culture pour des raisons idéologiques, une position qu'il dénonce.

Le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs a pour but de favoriser une relation harmonieuse entre les artistes et les producteurs. Créé en 1995, il s'agit d'une instance quasi judiciaire indépendante. «Cela exige une neutralité totale. J'ai donc démissionné juste avant d'annoncer ma candidature», précise M. Dhavernas.

Avant d'être nommé, le comédien avait rencontré le ministre Blackburn une fois. Ce dernier avait recommandé son embauche, une décision rendue officielle par le Bureau du Conseil privé (le ministère du premier ministre) le 25 juin. «M Dhavernas s'est bâti une réputation de comédien de renom, de metteur en scène, de producteur et d'écrivain dans le milieu des arts. Ses connaissances et son expérience seront d'importants atouts pour le Tribunal», déclarait alors le ministre Blackburn par voie de communiqué.

En entrevue, M. Dhavernas a vivement dénoncé les compressions annoncées par le ministre dans les organismes à but non lucratif québécois voués au développement économique régional. «Je vois toutes les petites magouilles qu'il (Jean-Pierre Blackburn) s'est mis à faire et ce n'est pas très joli», a-t-il déclaré avant d'hésiter longuement lorsque nous lui avons demandé des précisions (il a rappelé pour donner des détails).

PQ, ADQ

Le passé de M. Dhavernas l'a rapidement rattrapé hier lorsque des médias lui ont rappelé qu'il avait été coprésident de la campagne du OUI dans Notre-Dame-de-Grâce au référendum de 1995.

Mais à la souveraineté, il dit ne plus croire depuis plusieurs années. «On a dépensé beaucoup d'énergie pour cela. Quand j'ai constaté que les Québécois n'étaient pas prêts, je me suis dit qu'il fallait respecter cela et passer à des enjeux plus importants.»

Il reconnaît de lui-même avoir flirté avec l'ADQ mais dans le but de donner une assise culturelle à ce parti. «J'ai collaboré brièvement avec l'ADQ en 2002 parce qu'elle n'avait pas de programme en matière culturelle et était à 40% dans les sondages. J'estimais que, s'ils étaient si près de former le gouvernement ou l'opposition, il fallait qu'ils aient une plateforme culturelle qui se tienne. C'était mon devoir de citoyen.»

Candidat défait à la dernière course à la présidence de l'Union des artistes, M. Dhavernas croit être en mesure de redonner Outremont aux libéraux, à la suite de la victoire du néo-démocrate Thomas Mulcair lors d'une élection partielle. Il compte beaucoup aller au-devant des organismes culturels de sa circonscription pour y arriver.

Au Parti conservateur, un porte-parole, Frédéric Baril, a déclaré que l'embauche de M. Dhavernas était une autre preuve que les conservateurs ne faisaient pas de nominations partisanes.