Malgré la pluie, malgré les sondages, Gilles Duceppe veut remobiliser son électorat en ce deuxième jour de vote par anticipation. Le sale temps semble s'abattre sur ses troupes, mais le chef du Bloc, qui sillonne Montréal aujourd'hui, espère encore renverser la vapeur.

Battre campagne à Montréal

«Allô, c'est Gilles Duceppe». Au secrétariat national du Bloc, à Montréal, Gilles Duceppe a rencontré les militants, et mis la main à la pâte en passant lui-même quelques appels aux électeurs montréalais. But de l'opération, les inciter à voter maintenant plutôt que le 2 mai. Le chef le répète: chaque vote compte. «Plus il y a de participation, mieux c'est pour nous», dit-il.

Après le secrétariat national, Gilles Duceppe est allé encourager son candidat dans Jeanne-le-Ber, Thierry St-Cyr. Un comté dont le coeur balance entre le Bloc et les Libéraux. En 2004, le siège avait échappé à 72 voix seulement au Bloc. Thierry St-Cyr a repris la circonscription en 2006 puis en 2008, mais ses appuis ont diminué entre les deux derniers scrutins. Faisant sien le credo du chef, le député sortant ne tient rien, lui non plus, pour acquis.

«C'est toujours une lutte serrée entre les Libéraux et moi. Ce n'est pas une nouveauté, et on travaille fort», dit-il. L'émergence du NPD au niveau national pourrait là aussi brouiller les cartes. «On veut regrouper le vote de tous les progressistes et éviter une dispersion du vote et on va tout faire pour garder le comté.

Contrer, sur le terrain, l'effet Layton

La semaine aura été éprouvante pour Gilles Duceppe, dépassé dans les sondages par un adversaire-surprise, le chef des néo-démocrates, Jack Layton. Jack Layton a le vent dans les voiles, non seulement au Québec, mais aussi dans le reste du Canada. Si Gilles Duceppe a souligné qu'avec un Bloc fort à Ottawa et un gouvernement péquiste tout redevient possible, pour le NPD aussi, tout semble possible.

Jack Layton encourage aujourd'hui sa candidate dans le fief même de Gilles Duceppe, Laurier Sainte-Marie, qu'il représente depuis plus de 20 ans à Ottawa. Les affiches oranges fleurissent sur les poteaux des grandes artères de la forteresse bloquiste, mais Gilles Duceppe reste bon joueur et ne se «formalise pas» de voir Layton chasser sur ses terres.

«Tous les théâtres du centre-ville sont là. Moi, je respecte tous les adversaires. On veut travailler très fort, on a des militants et des militantes à pied d'oeuvre dans tout le Québec. Je ne prends rien à la légère. Il ne faut rien tenir pour acquis et regarder les choses pour leur valeur», répond-il.

La campagne de Gilles Duceppe qui paraissait, selon des habitués, plutôt tranquille jusqu'à cette semaine, s'intensifie. Après une septième journée à Québec, Gilles Duceppe est allé soutenir ses troupes en Abitibi et au Témiscamingue, hier. Il restera dans la région montréalaise, et l'ancien ténor péquiste Jacques Parizeau lui prêtera main-forte lundi.

«À une semaine du vote, il y a toujours un sentiment d'urgence. Vous savez, des campagnes, j'en ai vécu, rappelle-t-il. Est-ce qu'on a minimisé (le NPD)? Je dis toujours qu'il ne faut rien tenir pour acquis. L'objectif principal est d'empêcher les conservateurs d'avoir une majorité et on est les mieux placés pour cela. D'autres y prétendent, mais ça, ça aide les conservateurs. La division du vote n'aide pas, il faut unir toutes les voix et tous ceux et celles qui veulent un pays doivent se dire que le seul choix c'est le Bloc.»

Avant d'amorcer la dernière partie de la campagne, Gilles Duceppe veut aussi compter sur l'appui des souverainistes. La dichotomie fédéraliste contre souverainiste a souvent servi le Bloc. «Je pense qu'au Québec, il y a une lutte féroce. Et le Bloc se distingue de tous les autres partis pancanadiens. Il y a toujours deux options: l'option fédéraliste, et l'option souverainiste», veut-il rappeler à un électorat tenté par une troisième voie.

Inquiétude et désespoir

Michael Ignatieff estime toutefois que cette stratégie de fin de campagne laisse transparaître un désarroi évident au sein des troupes bloquistes.

Le rappel d'une division fédéraliste-souverainiste pour gagner des votes « est à mon avis un signe de désespoir de la part de M. Duceppe, a dénoncé le chef libéral. C'est décourageant. Mais moi, je pense au contraire qu'on ne doit jamais avoir une situation où le Québec est isolé ou est contre le Canada. Je suis là pour rassembler les gens. Et c'est ça que je ferai comme premier ministre. »

Quant à la présence de M. Parizeau lundi, « c'est un signe d'inquiétude au sein de l'équipe Duceppe, c'est évident », a-t-il réagi lors d'un point de presse à l'Île-du-Prince-Édouard.

Pourtant, M. Ignatieff a lui aussi obtenu l'aide d'anciens chefs du Parti libéral lors de cette campagne: l'ancien premier ministre Jean Chrétien devrait se joindre à lui mercredi. Paul Martin est aussi venu lui prêter main-forte au cours de la dernière semaine.

En panne dans les sondages, le chef du PLC s'est toutefois défendu d'être lui-même inquiet, à huit jours du vote. «On a arrangé la présence de Jean Chrétien au début de la campagne parce qu'on pensait que ce serait formidable de rappeler aux gens les réalisations importantes de Jean Chrétien et de Paul Martin quand ils étaient premiers ministres du Canada. Ils ont fait une bonne chose. Et j'en suis fier», a-t-il déclaré.

-Avec Hugo de Grandpré