Les programmes techniques sont en perte de popularité au Québec. À l’approche du 1er mars, date limite pour déposer une demande d’admission pour la session d’automne, tout doit être mis en œuvre pour attirer la clientèle, estime la Fédération des cégeps.

Les inscriptions aux programmes techniques au collégial sont en baisse dans la province.

Plus de 92 600 élèves étaient inscrits à un programme de formation technique à l’automne 2014, contre seulement 88 100 à l’automne 2021, ce qui représente une baisse de 4,9 %, selon des données du ministère de l’Enseignement supérieur du Québec (MES). Les données pour l’année 2021-2022 sont toutefois incomplètes. Entre 2014 et 2020, soit l’année la plus récente dont le MES dispose de données complètes, la baisse est de 1,4 %.

Le nombre d’élèves diminue dans l’ensemble des cégeps, ces dernières années. Mais la désaffection concerne surtout les techniques. Et elle contribue à la pénurie de main-d’œuvre, constate Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps

Si les besoins de main-d’œuvre sont si élevés, et si on a de la difficulté à recruter sur le marché du travail, c’est aussi parce qu’on manque de finissants.

Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps

Les jeunes adultes boudent surtout les techniques physiques, de tourisme et de l’agroalimentaire, d’après la Fédération. Les techniques de technologie minérale et de génie métallurgique sont les plus mal-aimées du lot.

À l’inverse, les techniques en soins infirmiers, policières et de gestion de commerces restent attractives. Or, même les programmes populaires ne forment pas assez de candidats pour répondre aux besoins du marché du travail, constate M. Tremblay. C’est particulièrement vrai pour les techniques de l’informatique, dit-il.

« Il y a un très grand écart entre les besoins du marché du travail et le nombre de diplômés que l’on forme. Et si on n’en forme pas plus, c’est justement parce qu’il n’y a pas assez de candidats. »

Des programmes techniques suspendus

Dans certains cas, la désertion des élèves a provoqué la suspension – voire carrément la fermeture – de programmes.

Faute d’inscriptions, le cégep de Chicoutimi s’est résolu à suspendre sa technique en télécommunication. Le programme est maintenu pour les élèves déjà en formation, mais l’établissement n’a pas démarré de nouvelles cohortes depuis deux ans.

Le directeur des études, Christian Tremblay, remarque une « baisse constante et graduelle » du nombre d’élèves dans les techniques offertes par l’établissement depuis au moins cinq ans. Pour les techniques de génie civil et de l’électronique, la baisse est de l’ordre respectif de 56 et 51 % depuis 2017.

Début février, l’École de papeterie de Trois-Rivières, affiliée au cégep de Trois-Rivières, a aussi fermé ses portes en raison de difficultés de recrutement.

De nouvelles bourses

Lueur d’espoir : le programme de bourses Perspective Québec pourrait susciter un nouvel engouement pour les techniques, croit la Fédération des cégeps.

Dès l’automne prochain, les élèves de six secteurs ciblés par Québec (santé, éducation, services à l’enfance, génie, technologies de l’information et construction) pourraient obtenir jusqu’à 9000 $ pour suivre une formation technique au collégial et 15 000 $ pour un programme universitaire de 3 ans.

Avec cet incitatif, Québec souhaite attirer plus d’élèves au collégial, « notamment en formation technique dans les domaines où il y a une pénurie de main-d’œuvre », indique le MES par courriel.

Plusieurs cégeps ont indiqué à La Presse espérer observer une hausse des inscriptions à l’automne prochain dans les techniques ciblées par le programme, qui d’ailleurs n’a pas été exempté de critiques de la part d’acteurs du milieu. L’exclusion de la technique en travail social, entre autres, a été vivement dénoncée.

Une approche globale

Mais le milieu collégial doit faire plus pour attirer – et retenir – la clientèle, croit Bernard Tremblay.

Il doit faciliter le passage de la formation professionnelle au secondaire, populaire dans les secteurs bien rémunérés, à la formation technique.

On ne facilite pas la poursuite de ceux qui aimeraient continuer.

Bernard Tremblay

M. Tremblay suggère de « revoir les conditions et les préalables pour créer cette continuité ».

La situation de plein emploi du Québec détourne aussi certains jeunes adultes des bancs d’école pour entrer directement sur le marché du travail ou abandonner leur formation à mi-parcours. « C’est clair que le jeune se met énormément à risque pour le futur », prévient M. Tremblay. D’où la nécessité, selon lui, de réfléchir à des « modèles agiles » de formation à temps partiel, adaptés aux travailleurs.

Surtout, il faut multiplier les efforts pour encourager la persévérance scolaire, défi de tout temps du milieu. « Oui, les bourses sont un élément. Mais je demeure convaincu que ce n’est pas suffisant, que ça prend des actions globales », conclut-il.

Précision:
Une version précédente de ce texte attribuait les données sur l’effectif étudiant de 2014 à 2020 au ministère de l’Éducation du Québec. Or, elles ont été fournies par le ministère de l’Enseignement supérieur. Par ailleurs, il aurait fallu préciser que les données pour l’année 2020-2021 étaient encore incomplètes. Nos excuses.