Québec jongle avec les chiffres cette semaine dans le cadre de l'étude d'un projet de loi pour abaisser au plus bas taux régional actuel la taxe scolaire partout dans la province. Plutôt que de l'harmoniser comme prévu à 10,54 cents pour chaque tranche de 100 $ d'évaluation foncière, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) proposera aujourd'hui au gouvernement Legault de la rendre progressive avec différents paliers de taxation.

Des inquiétudes

Alors que s'ouvre aujourd'hui la deuxième journée de consultations particulières du projet de loi 3 du ministre des Finances Eric Girard, la CSQ accueille « avec peu d'enthousiasme » l'idée de créer un taux unique de taxe scolaire basé sur le plus bas taux régional actuel.

« Il faut comprendre que du point de vue des travailleuses et travailleurs du réseau de l'éducation, qui n'ont pas encore vu les dommages causés par les compressions de la dernière décennie être réparés, les 900 millions de subventions supplémentaires en provenance du fonds consolidé [qui devront être utilisés pour pallier la baisse du taux de taxe scolaire] pourraient être utilisés à bien meilleur usage », affirme-t-on.

Une nouvelle taxe plus équitable

Sonia Éthier, présidente de la CSQ, proposera aujourd'hui à Québec un nouveau modèle de taxation qui répond, selon elle, à la volonté du gouvernement d'abaisser le fardeau fiscal des contribuables, mais à un coût moins élevé que ce que le projet de loi actuel coûtera à l'État.

« Nous proposons de rendre la taxe scolaire progressive. En bas de 100 000 $ pour la valeur d'une propriété, il ne devrait pas y avoir de taxe à payer. Entre 100 000 $ et 1 million, le taux de taxe devrait être de 16 sous par tranche de 100 $ d'évaluation foncière, puis de 30 sous pour ce qui excède le million », a expliqué la syndicaliste dans une entrevue sollicitée par La Presse.

Cette proposition, dit-elle, garantit des baisses d'impôts pour les ménages de la classe moyenne et inférieure. De plus, alors que Québec a toujours promis de « compenser les pertes de revenus autonomes des commissions scolaires par une augmentation de la subvention d'équilibre fiscal versée par le ministère de l'Éducation » (ce qui équivaut à près de 900 millions), la CSQ estime que sa contre-proposition ne coûterait qu'entre 300 et 400 millions à l'État.

Ne pas oublier les locataires

Dans sa présentation aujourd'hui, le syndicat entend aussi interpeller le gouvernement Legault sur le sort des locataires, largement exclus de la baisse fiscale envisagée avec l'harmonisation du taux de taxe scolaire au Québec.

« Au Québec, 39 % de la population sont des locataires. Ils paient leur part de la taxe scolaire indirectement par leur loyer. En revanche, comme ils ne disposent pas automatiquement de l'information sur le niveau de la taxe scolaire réellement payée par leur propriétaire, rien ne garantit qu'ils pourront profiter d'une réduction ou d'une augmentation moindre de leur loyer à la suite de l'instauration du taux unique », affirme la CSQ.

Cette situation est aussi déplorée par Maxime Roy-Allard, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).

« À l'heure actuelle, un locataire ne peut pas ouvrir un dossier à la Régie du logement pour fixer son loyer à la baisse en raison de cette diminution de taxe scolaire. Les propriétaires ont le gros bout du bâton », déplore-t-il.

La CSDM propose de suspendre le projet de loi

En commission parlementaire, hier, la Commission scolaire de Montréal (CSDM) a pour sa part proposé de suspendre le projet de loi. « Aucune [consultation] des milieux n'a été entreprise pour évaluer les répercussions d'une telle modification [législative] », a indiqué la plus importante commission scolaire du Québec.

La CSDM a aussi déploré que le fardeau fiscal actuellement assumé par les propriétaires fonciers soit en partie transféré aux citoyens.

« [La] perte de revenus au niveau de la taxe scolaire sera financée par une allocation ministérielle, elle-même financée par tous les contribuables », a-t-on écrit dans le mémoire qui a été remis aux députés.