Des enfants du centre-ville de Québec pourraient ne plus avoir accès à la seule école secondaire de leur quartier, déplacés au profit d'un populaire programme sport-arts-études réservé aux meilleurs élèves de la capitale.

La direction de l'école Cardinal-Roy a rencontré hier des parents pour présenter son plan qui consiste à mettre la hache dans le secteur « régulier » et dans le parcours « adaptation scolaire ». Son but est de faire de la place pour les élèves des programmes sport-études et arts-études.

« C'est un enjeu d'espace. Notre programme sport-arts-études est extrêmement attractif et on a de la misère à répondre à la demande, a expliqué hier la directrice adjointe de l'école, Mireille Dion. De l'autre côté, le secteur régulier représente un petit nombre d'élèves. »

L'idée de transformer l'unique école secondaire du quartier Saint-Sauveur en « école à projet particulier » a provoqué une levée de boucliers. Des parents réunis d'urgence hier par le Comité des citoyennes et des citoyens du quartier Saint-Sauveur (CCCQSS) parlent de « sortir les casseroles comme en 2012 » et préparent une chaîne humaine devant l'école.

À la rencontre d'hier soir à Cardinal-Roy, une école située dans le beau parc Victoria, la députée sortante Agnès Maltais a fait part de ses réserves à la direction.

« Oui, il faut s'assurer que les jeunes puissent avoir accès au sport-arts-études au public, parce que je connais la compétition du privé. Mais il ne faut pas oublier les jeunes du quartier. Il ne faut pas les oublier. C'est ma vision à moi », a dit l'ancienne députée péquiste de Taschereau, qui ne se représente pas.

« Au départ, une école publique, c'est pour les jeunes du secteur ! », a rappelé Mme Maltais.

Plus de 80 %

La direction fait valoir que l'école est à la veille de déborder. Elle accueille cette année 838 élèves sur une capacité théorique de 980. De ce nombre, 711 sont dans le secteur sport-arts-études. Ce secteur de l'école compte une quarantaine de concentrations, des arts dramatiques au soccer en passant par le ski de fond.

Ce programme sélectif n'accueille que des jeunes qui ont plus de 80 % au primaire, a expliqué hier la direction. Selon elle, une centaine de jeunes qui avaient les notes nécessaires ont dû être refusés cette année, faute de place.

Les parents doivent débourser des centaines, sinon des milliers de dollars en frais chaque année pour ce programme. La directrice adjointe n'était pas en mesure, hier soir, de nous donner les chiffres exacts. La Commission scolaire de la Capitale n'a pas rappelé La Presse, hier.

L'école souhaite se concentrer entièrement sur ce secteur qui attire des élèves de partout à Québec. La Commission scolaire de la Capitale entend redéployer les élèves du quartier de la filière « régulière » dans une école de Limoilou et une autre de Vanier, deux quartiers voisins.

Mme Maltais a demandé hier si la direction de l'école avait calculé quelle distance les enfants de Saint-Sauveur devraient maintenant parcourir pour se rendre à leur école secondaire la plus proche. La direction a fourni hier soir un document de 13 pages aux parents pour présenter son plan, mais nulle part ce chiffre n'était indiqué. La directrice adjointe a admis qu'elle ne l'avait pas en main.

Ressortir les casseroles

Dans le quartier Saint-Sauveur, un ancien quartier ouvrier qui vit une lente revitalisation, l'idée de ne plus avoir accès à l'unique école secondaire fâche plusieurs parents. Une quarantaine de personnes se sont réunies dans un local exigu du Comité des citoyens hier pour préparer la résistance à ce que certains associent à une forme de privatisation de l'école publique.

Audrey Santerre Crête est mère de deux enfants qui fréquentent l'école primaire Des Berges, dans le quartier voisin de Saint-Roch. Des Berges est une école du bassin de Cardinal-Roy.

« Moi, je le vois à l'école Des Berges, qui a aussi du sport-études. Mes enfants vont finir l'année dans des conteneurs parce qu'il manque de place pour les joueurs de hockey. C'est ça, la réalité », dit celle qui a proposé au Comité des citoyens de « ressortir les casseroles comme en 2012 ».

« Dans le quartier, ça ne parle que de ça depuis une semaine », note la coordonnatrice du Comité des citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur, Éloïse Gaudreau.

Selon elle, la transformation de Cardinal-Roy en école strictement sport-arts-études a commencé en 2009, quand elle a abrogé les classes « régulières » de 3e, 4e et 5e secondaire. « C'était comme la chronique d'une mort annoncée », dit-elle.

Plusieurs rencontres de consultation sont prévues dans les prochaines semaines, dans les écoles primaires du bassin et à Cardinal-Roy même. La directrice adjointe a précisé hier que son plan pourrait changer à l'issue de cette période qui va se terminer le 30 octobre, avec une grande assemblée de consultation tenue à l'école secondaire.

Les candidates du Parti québécois et de Québec solidaire dans la circonscription de Taschereau ont toutes deux dénoncé les changements envisagés à Cardinal-Roy. « Avec ce projet, la Commission scolaire vient renforcer la ségrégation scolaire déjà trop présente dans notre système d'éducation, a dénoncé dans un communiqué la candidate solidaire Catherine Dorion. Ce sont les jeunes, mais aussi tous les habitants du quartier Saint-Sauveur qui seront pénalisés par cette décision élitiste. »