Les enfants des demandeurs d'asile haïtiens, qui ont récemment traversé la frontière en provenance des États-Unis, seront intégrés au système scolaire québécois coûte que coûte, a déclaré, mardi, le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx.

Quatre cents enfants de demandeurs d'asile sont actuellement hébergés sur des sites temporaires, selon le ministère. Ils auront droit, dès cette semaine, à des activités éducatives sur ces sites pour préparer leur entrée à l'école.

«Pour moi, le coût ne fera pas de différence, a soutenu M. Proulx, en marge de l'étude du projet de loi 144 à l'Assemblée nationale. Il y a des enfants actuellement qui doivent avoir accès à l'école. (...) Les enfants, c'est à l'école qu'ils doivent être.»

D'ailleurs, plusieurs centaines d'enfants de demandeurs d'asile ont déjà procédé à leur inscription dans les différentes commissions scolaires de la grande région de Montréal.

Le ministre a dit ignorer combien coûtera l'opération. Les coûts, plus importants cette année en raison de l'afflux de migrants haïtiens, seront absorbés à même le budget du ministère de l'Éducation, a-t-il affirmé.

Au Québec, les demandeurs d'asile ont droit à la gratuité scolaire pour les enfants d'âge scolaire, et à des services d'alphabétisation et de francisation pour les adultes.

Ceux-ci ne sont pas des sans-papiers, a tenu à préciser M. Proulx, car ils ont tous en main un document du gouvernement fédéral attestant que leur dossier est en examen.

Projet de loi 144 à l'étude

Québec souhaite également élargir l'accès à l'école publique aux enfants sans papiers.

C'est justement un des grands axes du projet de loi 144, présentement à l'étude à l'Assemblée nationale. Celui-ci vise, de façon générale, à garantir à tous les enfants l'accès à l'école publique.

Actuellement, les commissions scolaires peuvent choisir ou non d'accueillir des enfants sans papiers. Le projet de loi 144 élargit le principe du droit à la gratuité au service de l'éducation préscolaire, primaire et secondaire notamment à toute personne qui n'est pas résidente du Québec et dont le titulaire de l'autorité parentale demeure de façon «habituelle» au Québec.

La Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) a ouvert les consultations particulières et audiences publiques mardi en recommandant au ministre de préciser le terme «habituelle».

Mais plus encore, a renchéri le président de la FCSQ, Alain Fortier, il faudrait que le Québec s'inspire de l'Ontario et garantisse à l'enfant le droit à l'éducation gratuite sans référence à sa situation de résidence ou à la situation de ses parents.

«Au-delà du contexte d'immigration et des documents officiels, il y a un enfant qui a le droit d'accéder à une éducation gratuite et nous faisons le choix de mettre l'emphase sur cet enfant», a-t-il plaidé.

Légaliser les écoles religieuses illégales?

Par ailleurs, le Parti québécois (PQ) s'est interrogé, mardi, sur un autre aspect du projet de loi 144, qui permettrait aux enfants de suivre 20 heures de cours religieux dans un établissement jugé «clandestin», à condition qu'ils remplissent leur obligation de fréquentation scolaire à la maison.

«C'est la première fois, à notre connaissance, qu'on vient légaliser ce que nous appelions traditionnellement l'école illégale», a affirmé, sans détour, le porte-parole péquiste en matière d'éducation, Alexandre Cloutier.

Lorsqu'il a présenté le projet de loi 144 en juin dernier, le ministre Proulx l'avait qualifié de «très coercitif», un moyen de sévir contre les écoles religieuses illégales, car il permettrait aux représentants du ministère de pénétrer dans les établissements et de les inspecter, alors qu'avant, ils avaient besoin d'une permission.

Il demanderait à la Régie de l'assurance maladie du Québec de fournir au ministère une liste des enfants de 6 à 16 ans qui possèdent une carte soleil, pour qu'il puisse savoir quels enfants échappent au système scolaire.

Le projet de loi prévoit des amendes en cas de refus de la part de parents d'inscrire leurs enfants dans une école reconnue. La Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) serait appelée, le cas échéant, à intervenir si les parents refusent d'obtempérer.

Toutefois, il ne permettrait pas au ministère de fermer les écoles religieuses clandestines.

Est-il possible pour un enfant de consacrer 25 heures par semaine au régime pédagogique québécois à la maison et 20 heures à son éducation religieuse, s'est interrogé M. Cloutier. «Ça nous apparaît extrêmement lourd pour un jeune étudiant.»

La situation n'est pas bien différente de celle d'un enfant qui s'entraîne à un sport 20 heures par semaine, a répondu le ministre.

Mieux encadrer la scolarisation à domicile

L'Association des commissions scolaires anglophones du Québec s'est quant à elle plainte d'être «surchargée» par les demandes de parents qui veulent faire l'école à la maison.

Elle a demandé plus de ressources au ministre afin de mieux accompagner des centaines de juifs orthodoxes.

«Nous avons besoin de ressources matérielles et de ressources financières pour engager du monde pour aller rejoindre ces gens-là dans leur communauté, a déclaré la présidente de l'association, Jennifer Maccarone. Si on rencontre des filles, il faut envoyer une femme. Si on rencontre des garçons, il faut envoyer un homme.

«Il faut s'habiller différemment; il faut changer le type de matériel didactique qu'on utilise parce que ce que nous utilisons n'est peut-être pas approprié pour rejoindre leurs besoins et leurs attentes religieuses», a-t-elle ajouté, en donnant l'exemple d'images, dans les manuels scolaires, de personnes en maillot de bain.

Mme Maccarone a suggéré au ministre d'obliger les jeunes scolarisés à la maison à se soumettre à des évaluations en cours d'année.

Le ministre s'est dit ouvert à débloquer des fonds pour les commissions scolaires, sans toutefois avancer de montant précis.

En vertu du projet de loi 144, le gouvernement déterminera par règlement de nouvelles modalités pour encadrer la scolarisation à domicile. Il élaborera également un guide des bonnes pratiques en matière d'enseignement à la maison.